Le HCR intensifie ses activités, malgré la crise de Covid-19, pour aider le Niger, alors que le nouvel afflux d’avril porte le nombre total de réfugiés à plus de 60 000.
Par Sélim Meddeb Hamrouni à Maradi, Niger
Dès qu’elles ont entendu les premiers coups de feu, Habsou et sa soeur Mariama* ont rassemblé leurs enfants et elles ont fui pour sauver leur vie.
« Quand les bandits sont arrivés, je les ai vus de mes propres yeux », a déclaré Habsou, en se souvenant de l’attaque du mois dernier contre son village natal de Gangara, l’un des plus durement touchés par une recrudescence de la violence au nord-ouest du Nigéria, qui a forcé 23 000 personnes à fuir durant le seul mois d’avril.
La grossesse de Mariama était très avancée et elle n’a pas survécu à la difficile marche de 24 heures en quête de sécurité vers le Niger voisin.
« L’accouchement de ma soeur a commencé… elle n’a pas survécu. »
« Alors que nous étions encore au Nigéria, l’accouchement de ma soeur a commencé… elle n’a pas survécu. Son petit garçon était vivant. Nous l’avons emmené avec nous. Mais il était très faible. Huit jours après notre arrivée ici, il a été emmené dans un centre de santé, mais il est mort il y a quelques jours », a déclaré tristement Habsou.
En donnant une tasse d’eau trouble au plus jeune des neuf enfants – cinq à elle et ses quatre neveux et nièces – dont elle s’occupe désormais, elle a raconté son histoire tranquillement, les yeux pleins d’émotion et de détermination : « C’est extrêmement douloureux, la pire épreuve de ma vie, et je ne peux rien y faire. »
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a rapporté la semaine dernière que 47 personnes avaient été tuées lors d’une des attaques les plus meurtrières menées par des hommes armés dans la ville de Kankara (État de Katsina) et les villages voisins de Danmusa et Dusi-ma. En outre, 22 villageois ont été tués le 1er avril à Gangara, dans l’État de Sokoto, selon la police locale. Les forces armées nigérianes ont répondu à la dernière vague d’attaques dans les États de Katsina, Sokoto et Zamfara par des frappes aériennes.
Durant le seul mois dernier et selon le HCR, quelque 23 000 personnes ont fui le regain de violence, portant ainsi à 60 000 le nombre de personnes ayant fui au cours de l’année dernière les attaques continues des groupes armés dans les États de Sokoto, Zamfara et Katsina au Nigéria. En raison de l’insécurité transfrontalière, 19 000 ressortissants supplémentaires du Nigéria sont également déplacés dans leur propre pays.
Le HCR est extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation. Les personnes qui fuient témoignent de la violence extrême exercée contre les civils, des meurtres, des enlèvements contre rançon et du pillage des villages.
« La situation dans la région est préoccupante, notamment en raison de la montée en puissance des groupes criminels qui sévissent au Nigéria. C’est toute la raison d’être de la présence du HCR dans la région », a expliqué Alessandra Morelli, Représentante du HCR au Niger. « Nous avons ouvert un bureau auxiliaire à Maradi pour mieux coordonner à proximité la réponse d’urgence et protéger au mieux les personnes contraintes de fuir les violences. L’essence de notre mandat est la proximité. »
« Nous avons tout perdu. »
Les nouveaux arrivants ont un besoin urgent d’eau, de nourriture et d’accès aux services de santé, ainsi que d’abris et de vêtements. Comme Habsou, beaucoup n’ont pas pu emporter d’effets personnels.
« Nous avons tout perdu. Je ne sais pas ce qui est arrivé à nos maris. A ce jour, je n’ai aucune nouvelle », a ajouté Habsou.
Habsou, comme beaucoup d’autres habitants de Gangara, s’est réfugiée à Garin Yahaya, un village situé à 15 km de la frontière nigériane, dans la région de Maradi au Niger.
Ce village aux rues étroites et aux maisons en banco (terre) est désormais bondé. Depuis le début du mois d’avril, ses 3300 habitants ont accueilli environ 2500 autres pairs qui s’expriment également en haoussa. Chaque cour intérieure est remplie de dizaines de personnes, principalement des femmes et des enfants, qui s’y réfugient pour se protéger des températures pouvant dépasser 45 degrés.
« Pour l’instant, nous aimerions avoir de la nourriture, un abri, mais… nous espérons seulement la paix et la tranquillité pour pouvoir rentrer chez nous », a déclaré Maigari Abara-Gangara, le représentant des réfugiés.
Grand et maigre, portant un grand chapeau de paille, il a raconté en détail l’attaque de Gangara, où résident normalement 5000 personnes.
« Le 1er avril, à l’heure de la prière de fin d’après-midi, plusieurs centaines d’hommes non identifiés, armés de fusils, ont attaqué le village. Ils sont entrés à pied et ont tiré sur les jeunes hommes, ceux qui pouvaient résister. Les bandits ont tué, brûlé et pillé. Ils ont mis le feu aux granges qui contenaient nos réserves de nourriture », a-t-il déclaré.
Des attaques similaires ont eu lieu dans les trois Etats, déclenchant le dernier afflux au Niger. Mais les « bandits » y font également des incursions, poussant les populations locales à abandonner leurs maisons et à fuir pour sauver leur vie.
Le 10 mai, ils ont attaqué un village situé à seulement huit kilomètres de Garin Yahaya pour voler du bétail. Ils ont été pris par une patrouille des forces de sécurité nigérianes alors qu’ils rentraient au Nigéria. Un affrontement a éclaté. Un civil a été abattu et un autre blessé.
Les réfugiés du Nigéria ont été autorisés à entrer au Niger en quête de protection, et ce malgré la fermeture des frontières en raison de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, le HCR travaille en étroite collaboration avec les autorités du Niger pour mettre au moins 7000 réfugiés en sécurité et leur fournir de l’eau, de la nourriture, un abri, un accès aux soins de santé et d’autres prestations d’assistance essentielles.
« Nous assurons protection et accès aux services de base tels que la santé, l’éducation ou encore l’accès à l’eau. Le HCR, dans le cadre du Système des Nations Unies, travaille également avec les autorités du Niger pour relocaliser les réfugiés dans des “villages d’opportunité” loin de la frontière, afin d’assurer leur sécurité et d’alléger la pression sur la population hôte », a ajouté Alessandra Morelli.
*Noms modifiés pour des raisons de protection
Publie par le HCR, le 19 mai 2020