Des victimes de violences figurent parmi les 93 personnes vulnérables qui ont pris place à bord du premier vol d’évacuation vers l’Italie depuis deux ans, dans le cadre d’un nouveau dispositif d’urgence.
Par Tarik Argaz et Mohamed Alalem à Tripoli, Libye
Une atmosphère d’excitation et de hâte gagne le groupe de femmes, d’enfants et d’hommes qui font la queue devant un immeuble de la capitale libyenne, Tripoli. À l’intérieur, des membres du personnel du HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, s’apprêtent à leur donner des conseils, à les aider à préparer leurs documents et à leur distribuer des articles pour le voyage.
Peu de temps après, des sourires s’affichent et des larmes de soulagement éclatent parmi les membres du groupe lorsqu’ils apprennent qu’ils seront à bord du premier vol d’évacuation de la Libye vers l’Italie depuis deux ans. En raison du Covid-19 et de la fermeture des frontières, aucun vol de ce type n’a pu avoir lieu en 2020, tandis que pendant une grande partie de cette année, les vols humanitaires ont été bloqués par la Direction libyenne de lutte contre la migration illégale.
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Parmi les personnes sélectionnées figurent certains des demandeurs d’asile les plus vulnérables du pays. Nombre d’entre eux sont des femmes et des enfants, des victimes de violences ou des personnes souffrant de graves problèmes de santé. Tous ont été confrontés à des conditions très difficiles dans leur pays d’origine et, plus tard, à de grands dangers et à de graves difficultés en Libye.
« C’est dur d’être une femme seule ».
Hayat, une mère érythréenne âgée de 24 ans, est arrivée en Libye en 2017, après une périlleuse traversée du désert. Son mari a été abattu par des passeurs lorsque le couple n’a pas été en mesure de payer une demande de rançon pour leur libération.
« Ils l’ont tué sous mes yeux, et ils m’ont battue », raconte-t-elle. Hayat était enceinte de sept mois à l’époque et explique avoir dû lutter pour subvenir aux besoins de son fils au cours des années suivantes.
« J’ai souffert… pour pouvoir lui donner à manger et à boire, et pour payer le loyer. C’est dur d’être une femme seule. Avec un enfant, sans emploi et sans personne pour vous venir en aide, vous vous sentez vraiment seule », ajoute-t-elle.
À leur arrivée en Libye, de nombreux migrants, réfugiés et demandeurs d’asile sont confrontés à divers dangers, notamment l’exploitation et les abus aux mains de trafiquants ou de passeurs.
« Je suis tellement heureuse de pouvoir prendre ce vol ! » s’exclame Hayat. « Dieu merci, je vais pouvoir voyager. J’ai besoin de partir. J’ai besoin de trouver un endroit sûr où je peux élever mon fils. »
Les membres de ce groupe seront les premiers parmi les 500 personnes qui seront admises en Italie sur une période d’un an. Les vols sont organisés dans le cadre d’un nouveau dispositif, qui combine les évacuations d’urgence et les mécanismes d’accès humanitaire mis en place en Italie depuis 2016. Bien que principalement financés par le gouvernement italien, les vols bénéficient également du soutien d’une coalition d’organisations confessionnelles, qui comprend la Communauté de Saint Egidio, la Fédération des églises protestantes et la Table vaudoise.
- Voir aussi : Les vols d’évacuation depuis la Libye vers l’Italie redonnent espoir aux demandeurs d’asile vulnérables
Zahra, une Soudanaise de 48 ans, mère de trois enfants, avait à peine de quoi payer sa course en taxi pour se rendre au rendez-vous, mais elle est heureuse de l’avoir fait.
Elle vit en Libye depuis plus de vingt ans. Tous ses enfants sont nés dans le pays, mais aucun d’entre eux ne possède de documents officiels, à l’exception de leur certificat d’asile du HCR.
Son fils aîné, Mohamed, 17 ans, est en fauteuil roulant, après avoir été touché par une balle au niveau de la colonne vertébrale en 2014, alors que le conflit faisait rage. C’est arrivé alors qu’il jouait à l’extérieur de la maison dans laquelle vivait la famille dans la ville de Benghazi, dans l’est du pays, où le mari de Zahra parvenait à trouver des petits boulots pour subvenir aux besoins du ménage.
« Mon fils ne peut plus parler ni bouger, mais je reste persuadée qu’il va récupérer. Je suis obligée de m’occuper de lui toute la journée », explique-t-elle.
Les médecins n’ont pas pu faire grand-chose à l’époque. Le conflit ne connaissait aucun répit et les établissements de santé fonctionnaient à peine en raison du manque de matériel médical et des coupures d’électricité répétées.
La famille est alors partie à Tripoli en quête d’une vie plus sûre, mais le mari de Zahra est mort, la laissant avec trois enfants et personne vers qui se tourner.
« Mon seul souhait est de pouvoir faire soigner mon fils », affirme Zahra.
Assis sur un trottoir à l’extérieur du bâtiment, un jeune homme somalien nommé Abdsamad et sa femme annoncent la bonne nouvelle par téléphone à leurs proches. Abdsamad vivait en tant que réfugié en Éthiopie depuis 2001, avant de venir s’installer en Libye il y a quelques années.
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« Cela a été très difficile. Lorsque vous n’avez pas de statut légal dans le pays, vous ne pouvez même pas louer un logement ou obtenir une assistance médicale ».
« Je suis reconnaissant de pouvoir partir aujourd’hui. Je pense à l’avenir, et à l’avenir de mes enfants. En espérant qu’il sera meilleur ».
Publié par la HCR, le 25 novembre 2021