De la sécheresse et des inondations aux rivalités croissantes pour des ressources qui se raréfient, Opira Bosco Okot, réfugié sud-soudanais, ne sait que trop bien comment la crise climatique rend la vie plus difficile pour les personnes déracinées.
Par Opira Bosco Okot à Kampala, Ouganda | 09 novembre 2022
Opira Bosco Okot, 26 ans, est un réfugié sud-soudanais en dernière année d’université à Kampala. Lui et sa famille ont subi les effets de la crise climatique en Ouganda et dans son pays. Aujourd’hui, il collabore avec d’autres jeunes pour passer à l’action.
En 2017, j’ai marché et couru pieds nus pendant des jours pour fuir le conflit au Soudan du Sud. Lorsque je suis arrivé à la frontière ougandaise, j’ai été enregistré dans la zone d’installation de réfugiés de Palabek et on m’a attribué un terrain de 30 mètres carrés sur lequel j’ai pu construire un abri temporaire et où j’avais un peu d’espace pour cultiver et commencer à reconstruire ma vie.
J’ai entrepris de ramasser du bois de chauffage pour cuisiner et de couper des arbres pour construire mon abri. La terre qui m’a été attribuée était fertile et boisée. Les ressources naturelles étaient abondantes et j’ai pu facilement cultiver suffisamment et ramasser assez de bois de chauffage pour pouvoir faire des repas.
Mais trois ans plus tard, les pluies n’étaient plus au rendez-vous, le rendement des cultures avait diminué et les matériaux de construction étaient devenus rares. La beauté de la région s’était ternie, et les terres arables étaient de plus en plus rares. Au fur et à mesure que la sécheresse prenait de l’ampleur, la concurrence entre les réfugiés et les membres de la communauté d’accueil pour les ressources raréfiées s’est accrue, de même que l’impression que les réfugiés étaient favorisés en matière d’assistance. Les relations entre les deux communautés ont commencé à se dégrader.
Un jour, alors que je ramassais du matériel de construction dans la brousse, j’ai été poursuivi par quatre hommes et j’ai dû m’enfuir, en laissant derrière moi tout ce que j’avais ramassé.
D’autres réfugiés m’ont confié qu’ils devaient payer des prix plus élevés sur le marché local et que le bois de chauffage et les matériaux de construction devaient désormais être payés, soit en espèces, soit en échange de travail.
Les réfugiés ont dû trouver les moyens de s’adapter à cette nouvelle réalité. J’ai demandé à Amito Rose, ma voisine dans le campement, comment elle s’y prenait. Elle m’a répondu : « J’ai fabriqué un poêle en torchis qui nécessite moins de charbon de bois. Bien que le charbon de bois soit cher, je trouve cela plus commode que de devoir parcourir de longues distances pour trouver du bois de chauffage. »
Le changement climatique perturbe les conditions météorologiques en Ouganda, provoquant des hausses de température et des précipitations irrégulières qui entraînent la perte des récoltes et du bétail, ainsi que l’augmentation de la pauvreté parmi les réfugiés et leurs communautés d’accueil. Cette situation vient aggraver divers autres problèmes tels que la criminalité, l’abandon scolaire des enfants et l’augmentation des taux de violence sexiste.
Au Soudan du Sud, les membres de ma famille qui sont rentrés chez eux voient également leur niveau de vie se détériorer. Bien que cette situation soit due à de multiples facteurs, notamment les conséquences de la pandémie de Covid-19, l’instabilité économique et la violence généralisée à certains endroits, les conditions météorologiques extrêmes jouent également un rôle. En 2021, des inondations ont provoqué le déplacement de centaines de milliers d’éleveurs de bétail dans la région nord-est du pays. Ils ont ensuite expulsé par la force les habitants de l’État d’Équatoria oriental, où les membres de ma famille vivaient et cultivaient leurs terres. Cela a entraîné un conflit intense, et la mort de trois de mes proches.
De nombreuses personnes prennent à présent la fuite en raison de la sécheresse et des inondations qui sévissent dans différentes régions du pays. Certains de mes proches qui avaient été rapatriés au Soudan du Sud retournent maintenant en Ouganda car ils ne peuvent plus cultiver leurs terres.
« Je sais que mon action peut compter. »
Je suis extrêmement sensible à la nouvelle réalité climatique au Soudan du Sud et en Ouganda. C’est pourquoi je trouve qu’il est tellement important de s’engager afin d’inverser la tendance dans ces deux pays. Je sais que mon action peut compter.
En 2021, j’ai fondé une organisation, baptisée The Leads, pour répondre aux besoins pressants de notre communauté. En plus d’aider les enfants et les jeunes réfugiés à poursuivre leur scolarité, nous leur apprenons comment ils peuvent jouer un rôle dans la protection de l’environnement, nous formons la communauté à la fabrication de fours en terre améliorés qui utilisent moins de charbon de bois, et nous encourageons la plantation d’arbres. Désormais, tout le monde autour de nous est conscient des bienfaits apportés par la plantation d’arbres.
Afin de plaider en faveur d’une coexistence pacifique entre les réfugiés et leurs communautés d’accueil, j’ai produit une vidéo impliquant des représentants des deux groupes. La projection de la vidéo au sein des deux communautés a suscité des discussions sur le thème d’une plus grande coopération et du partage des ressources.
Les défenseurs de l’environnement nous enseignent depuis longtemps comment coexister durablement avec la nature sans mettre à mal notre chaîne alimentaire. Le changement climatique est causé par l’activité humaine, mais il ne devrait pas être un enjeu politique, car des vies humaines sont en jeu. Nous, les réfugiés, luttons chaque jour pour survivre.
Alors que la communauté internationale, les gouvernements, les ONG, les donateurs et les acteurs humanitaires se réunissent à la COP27, je les appelle à soutenir les mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique et à donner aux personnes déracinées et à leurs communautés d’accueil les moyens de lutter contre la crise climatique et de préserver l’environnement.
La mobilisation pour contrer la crise climatique doit commencer maintenant !