Par Christine Pirovolakis et Yana Dodnikova à Plovdiv, Bulgarie
Lorsque Nata Ellis, une entrepreneure dans le domaine des nouvelles technologies originaire d’Odessa, a entendu parler pour la première fois d’un l’hôpital désaffecté dans sa ville d’adoption, Plovdiv, en Bulgarie, elle a immédiatement réalisé qu’il pourrait servir d’abri aux réfugiés contraints de fuir la guerre en Ukraine.
Il n’y avait ni eau ni électricité, et l’intérieur était complètement délabré, avec la peinture qui s’écaillait sur les murs de béton en ruine du bâtiment. Mais le bâtiment était gratuit, offert par la municipalité, et Ellis, qui a élu domicile à Plovdiv depuis qu’elle a quitté l’Ukraine en 2016, était déterminée à lui redonner vie pour en faire bénéficier les nombreuses femmes, enfants et personnes âgées qui avaient désespérément besoin d’un toit.
« Dès les premiers jours de la guerre, nous avons mis en place un centre de collecte de dons et, avec l’aide de nos familles, de nos amis et d’associés, nous avons rapidement rassemblé de la nourriture, des médicaments, des couvertures et des bandages… Mais comme les choses ont dégénéré rapidement, nous avons réalisé qu’il fallait en faire encore davantage », explique Nata Ellis en arpentant les premiers étages de l’hôpital désormais rénové.
Avec l’aide de réfugiés bénévoles et les dons d’entreprises, d’autorités locales, d’ONG et de citoyens bulgares, Nata Ellis a réussi à rénover les trois premiers étages du bâtiment de quatre étages depuis qu’elle a pris en charge le projet en mars.
Sous la houlette de son organisation caritative, l’ONG Ukraine Support and Renovation Foundation, l’hôpital rénové a finalement ouvert ses portes en juin et accueille actuellement 130 réfugiés, dont 51 enfants.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, procède actuellement à la réfection de l’ensemble du quatrième étage et fournit des matelas, des couvertures et des ustensiles de cuisine pour répondre aux besoins croissants du centre, tandis que la municipalité apporte son aide pour ce qui est de l’électricité, du chauffage et de la nourriture.
« Nos équipes de protection, qui sont sur le terrain pour aider les réfugiés à Plovdiv, ont identifié ce projet communautaire à soutenir. Cette approche participative, incluant l’administration locale, la municipalité, les réfugiés, la communauté d’accueil et le secteur privé, permet de créer un sentiment de solidarité, qui à son tour favorise l’inclusion et l’intégration », indique Seda Kuzucu, Représentant du HCR en Bulgarie.
Les familles vivent ensemble dans des chambres communes, et le centre d’accueil est équipé de quatre cuisines par étage pour permettre aux réfugiés de préparer eux-mêmes leurs repas. Dans la zone de stockage, des femmes réfugiées aident à trier et à répertorier les dons de vêtements en vue d’une distribution plus large. Bien que la majorité des enfants ukrainiens fréquentent l’école bulgare, le centre propose également des cours quotidiens de bulgare et d’anglais, tandis que des cours d’électronique, d’informatique et de thérapie par l’art sont organisés plusieurs fois par semaine.
À l’approche des fêtes, les enfants ont transformé le centre en un véritable paradis hivernal avec des décorations faites à la main et des arbres de Noël placés un peu partout dans les espaces communs. L’hôpital a proposé un marché de Noël de deux jours au cours duquel des bijoux, des jouets, des articles tricotés et d’autres articles faits à la main ont été vendus afin de récolter des fonds pour acheter des cadeaux pour les enfants.
« Le centre est très semblable à un petit village ou à une petite communauté dans le sens où tout le monde s’entraide, du nettoyage à la garde des enfants lorsque les parents doivent aller travailler. Les gens se soutiennent mutuellement ici, non seulement pendant la durée de leur séjour au centre, mais aussi lorsqu’ils décident de quitter le centre et de louer un appartement par leurs propres moyens », explique Nata Ellis.
Natalia Artiukh a quitté la ville lourdement bombardée de Zaporijia pour se rendre à Plovdiv avec ses enfants, sa sœur, son neveu et sa nièce en juin dernier, après avoir entendu parler de l’hôpital rénové et de l’esprit communautaire qui y règne. Elle apporte désormais son aide au fonctionnement quotidien du centre, où, en plus d’aider les gens à trouver du travail, les membres de la communauté jouent également le rôle d’un véritable réseau de soutien.
« Nous essayons de procurer de petits moments de bonheur à nos enfants ici, afin qu’ils puissent bien s’adapter. Le fait que nous nous sentions comme une grande famille nous aide beaucoup. Les gens se serrent les coudes en permanence et nous sentons que nous pouvons compter les uns sur les autres », affirme Artiukh.
Remen Nedjalkov, un ingénieur à la retraite, est l’un des nombreux bénévoles bulgares qui ont décidé d’apporter leur aide, d’abord en donnant de la nourriture et des couvertures, puis en partageant sa passion, l’électronique. Il donne actuellement deux fois par semaine un cours d’électronique de deux heures aux enfants réfugiés du centre, dans l’une des salles qu’il a lui-même aménagées.
« Si ces enfants peuvent apprendre quelque chose grâce à moi et ensuite partager ces connaissances avec d’autres, cela les aidera à grandir et, espérons-le, cela leur permettra, pendant quelques heures, de ne plus penser à tous les autres problèmes auxquels ils peuvent être confrontés », indique Remen Nedjalkov, alors qu’il fait une démonstration du fonctionnement d’une petite pompe à eau à son groupe d’élèves.
« J’ai déjà l’impression de faire partie d’une grande famille. »
Malgré les difficultés rencontrées chez eux, jeunes et moins jeunes ont trouvé du réconfort grâce à l’esprit de communauté qui règne ici, comme Igor Prohorov, un chirurgien spécialisé en pédiatrie âgé de 61 ans.
Igor Prohorov a fui récemment la ville de Kharkiv, lourdement bombardée, et est actuellement le médecin attitré du centre d’accueil.
« Je ne vis au centre d’accueil que depuis quelques semaines, mais j’ai déjà l’impression de faire partie d’une grande famille. On me donne toujours de la nourriture faite maison, par exemple », raconte Igor Prohorov.
« Les gens apprécient vraiment qu’un médecin vive ici en cas d’urgence et je m’occupe souvent de patients à toute heure de la nuit », ajoute-t-il. « Je suis reconnaissant d’avoir bénéficié de ce réconfort à un moment de ma vie où j’ai tant perdu. »
Publie par le HCR, le 23 Décembre 2022.