Esra Elsayed et sa cousine, Nada Jubara, s’occupent d’une patiente dans la maison de leur grand-père, dans l’État du Nil blanc, qu’elles ont transformée en clinique improvisée. © HCR/Ala Kheir

Après presque six mois de conflit, le système de santé soudanais est au bord du gouffre. Dans les camps surpeuplés, les maladies infectieuses se propagent et le nombre de décès d’enfants augmente

Par Omer Elnaiem dans l’État du Nil Blanc, Soudan


À l’entrée du salon de la maison de leur grand-père, Esra Elsayed et sa cousine, Nada Jubara, ont aménagé une clinique improvisée où elles offrent des consultations médicales gratuites aux personnes fuyant le conflit qui sévit au Soudan. La maison est située près d’un camp pour personnes déplacées dans l’État du Nil Blanc, au sud du Soudan.


À l’entrée du salon de la maison de leur grand-père, Esra Elsayed et sa cousine, Nada Jubara, ont aménagé une clinique improvisée où elles offrent des consultations médicales gratuites aux personnes fuyant le conflit qui sévit au Soudan. La maison est située près d’un camp pour personnes déplacées dans l’État du Nil Blanc, au sud du Soudan.

Assise sur une chaise en plastique, Esra utilise un vieux tensiomètre pour mesurer la tension artérielle d’une femme, tandis que Nada s’occupe de l’enfant qui est assis sur ses genoux.

Les deux femmes étaient médecins dans un hôpital de la capitale, Khartoum, avant que les combats n’éclatent en avril. Deux semaines plus tard, elles se sont réfugiées, avec le reste de leur famille, dans la maison de leur grand-père, dans l’État du Nil Blanc, et ont commencé à offrir bénévolement leurs services pour aider d’autres personnes déplacées par le conflit.

« Ils savent qu’il y a des médecins ici qui peuvent les aider », explique Esra. « Ainsi, quiconque souffre de quoi que ce soit – diabète, maux de tête, etc. – vient simplement nous voir en disant : ‘Ma fille, peux-tu mesurer ma tension artérielle, peux-tu voir ce qui ne va pas ?’ »

« Tout se fait sans rendez-vous. Les gens viennent nous voir à tout moment, du matin au soir », ajoute Nada.

Un système de santé en crise

Près de six mois de conflit ont forcé plus de 5 millions de personnes à fuir leur foyer et ont mis le système de santé soudanais à genoux. Alors que de nombreux établissements de santé ont été attaqués et ne fonctionnent plus, d’autres manquent cruellement de personnel, de médicaments et d’équipements, ce qui rend indispensable le travail de volontaires comme Esra et Nada.

Selon un rapport récent du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 1 200 enfants de moins de 5 ans sont morts dans le seul État du Nil Blanc entre la mi-mai et la mi-septembre en raison d’une épidémie de rougeole combinée à des niveaux élevés de malnutrition.

Des centaines de milliers de personnes, principalement des réfugiés sud-soudanais fuyant Khartoum, se sont entassées dans dix camps de réfugiés de l’État. Le camp d’Um Sangour, qui n’est censé accueillir que 30 000 personnes, en compte aujourd’hui plus de 70 000.

Dans l’unique centre de soins de santé primaires du camp, le manque de matériel et de personnel médical met la fourniture de soins à rude épreuve. La salle d’attente est pleine à craquer, principalement des mères qui calment des enfants en pleurs. Il n’y a pas assez de chaises et de nombreuses personnes sont obligées de rester debout en attendant d’être examinées.

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Le seul centre de soins de santé primaires du camp d'Um Sangour accueille désormais 700 patients par jour. © HCR/Ala Kheir
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La salle d'attente à l'extérieur de l'établissement est principalement occupée par des femmes et des enfants en bas âge. © HCR/Ala Kheir

Le Dr Muwonge Nasur Lubega, responsable de la santé publique au HCR, explique que l’établissement reçoit au moins 700 patients par jour, principalement des femmes et des enfants de moins de 5 ans souffrant d’infections des voies respiratoires, de diarrhée, de paludisme et, de plus en plus, de rougeole.

« Nous avons enregistré une épidémie [de rougeole] dans le camp à la suite de la crise, ce qui est lié à la surpopulation dans le camp, aux mauvaises conditions en matière de santé, d’eau et d’assainissement, ainsi qu’au manque d’abris. »

Hanna Wilson, une réfugiée sud-soudanaise qui vit dans le camp d’Um Sangour depuis 2019, a du mal à surmonter la perte de deux de ses enfants qui sont récemment morts de diarrhée et de malnutrition.

« Ma fille a eu la diarrhée et a vomi pendant deux jours. Le troisième jour, elle est décédée », raconte-t-elle.

Hanna Wilson, une réfugiée du Soudan du Sud, a récemment perdu deux de ses jeunes enfants suite à des complications médicales. © HCR/Ala Kheir

Lorsque son fils Marco, âgé de 9 mois, est tombé malade et a refusé d’être allaité un mois plus tard, elle l’a emmené à l’hôpital général de Kosti, situé à cinq heures de route, plutôt que de faire la queue au centre de santé du camp. Mais lorsque l’état de Marco a continué à empirer après sept jours à l’hôpital, elle l’a ramené chez elle.

« Quand j’y allais avec mon bébé le soir, il n’y avait pas de médecin. »

Hanna

« Il a vécu un mois de plus. Il n’y avait pas de médicaments au centre de santé. Et quand j’y allais avec mon bébé le soir, il n’y avait pas de médecin. Le centre était fermé. »

La saison des pluies aggrave la situation

Les agences humanitaires craignent que la saison des pluies actuelle ainsi que l’augmentation des déplacements ne conduisent à une nouvelle hausse des décès dus à des maladies hydriques telles que le choléra, dont plus de 500 cas suspects ont déjà été signalés dans d’autres parties du pays.

Le HCR, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, d’autres partenaires et les autorités locales, intensifie sa réponse pour faire face à la détérioration de la situation sanitaire, notamment par une vaccination contre la rougeole et la distribution de nourriture et de médicaments, mais les ressources sont extrêmement limitées.

« Pour une population de 70 000 personnes dans ce camp, nous devrions disposer de sept centres de santé primaire », explique Muwonge Lubega, du HCR. « Nous n’en avons qu’un pour l’instant, et des fonds supplémentaires sont donc nécessaires pour en augmenter le nombre. »

Les deux cousines Esra et Nada ont contribué à alléger la pression sur les centres de santé en proposant des consultations à domicile.

« Ici [dans l’État du Nil blanc], comme nous sommes proches du fleuve, il y a une forte présence de moustiques », explique Esra. « La plupart des gens n’ont pas accès aux moustiquaires. Ils contractent donc le paludisme et la diarrhée à cause de l’eau. »

Sans ce conflit, Esra se préparerait à passer son examen de spécialisation en médecine d’urgence à Khartoum. Au lieu de cela, elle vient en aide à ses nouveaux voisins tout en vivant dans les mêmes conditions qu’eux.

« Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’argent pour faire quelque chose », affirme-t-elle, « il suffit de se faire confiance et on y arrive, même dans ces conditions. »

Avec le concours de Moulid Hujale à Nairobi, Kenya.

Publie par le HCR, le 9 octobre 2023.

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