Quatre générations de la famille Humennyy partageaient la même maison avant qu’elle ne soit endommagée par les combats. Les réparations effectuées le HCR permettent à la famille de retrouver un lieu sûr en dépit de la guerre qui se poursuit.
Par Charlie Dunmore et Victoria Andrievska à Ozershchyna, Ukraine | 23 février 2023
Âgée de 84 ans, Kateryna Humennyy n’était qu’une enfant lorsque la Seconde Guerre mondiale a chamboulé sa vie à Ozershchyna, petit village situé au milieu de vastes plaines agricoles, à une heure de route à l’ouest de Kyiv, la capitale de l’Ukraine. Son père ayant été tué, sa mère a dû élever seule Kateryna, ainsi que ses frères et sœurs.
« Il y a maintenant une nouvelle guerre », déclare Kateryna, la voix tremblante sous le poids de l’âge et de l’émotion. « Nous avons du mal à comprendre ».
Une année après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un tiers de la population reste déracinée et 17,6 millions de personnes à l’intérieur du pays ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Avec la poursuite des combats dans l’est et le sud du pays et la destruction des habitations et des infrastructures, les besoins des populations sont plus importants que jamais.
Dans les jours qui ont suivi l’invasion, Kateryna et sa famille ont entendu des tirs lointains, des explosions et le vrombissement d’avions volant à basse altitude. Une semaine plus tard, les combats ont atteint leur porte. Kateryna et son mari Ivan ont été contraints de se réfugier dans le sous-sol de leur grange avec leur fille Olena, 51 ans, et son mari, qui vivent sous le même toit.
« Il y avait des affrontements intenses. Nous pouvions les entendre tirer à la lisière du village », se souvient Olena. « Pendant tout ce temps, nous sommes restés cachés dans la cave – c’était très effrayant ».
Les petites-filles de Kateryna, Svitlana et Oksana, qui vivaient à proximité et toutes les deux enceintes à l’époque, avaient fui vers le village voisin de Korolivka que les combats ne s’intensifient. Olena et son mari sont restés chez leurs parents et ont essayé de les persuader de partir après une semaine passée dans la cave, mais comme personne ne pouvait s’occuper de la vache laitière et des autres animaux de la famille, Kateryna et Ivan ont refusé de partir.
« Nous ne partirons pas », disait ma mère, se souvient Olena. « C’était très effrayant de rester plus longtemps, car les maisons alentour brûlaient déjà ».
Kateryna et Ivan ont finalement été persuadés de partir par les forces armées ukrainiennes, qui ont prévenu qu’il était trop dangereux de rester sur place. Un voisin qui est resté dans le village malgré les risques a proposé de s’occuper de leurs animaux.
À leur retour plusieurs semaines plus tard, une fois que les affrontements avaient cessé, les membres de la famille ont retrouvé des monticules de gravats et des dizaines de structures calcinées à la place des maisons.
La maison de Kateryna tenait heureusement encore debout et leur vache avait survécu, mais le jardin était parsemé de cratères et les explosions avaient causé de lourds dégâts à leur maison et aux dépendances. « Les fenêtres et le toit étaient endommagés [et] tout était cassé – tous les garages et les bûchers – tout était éparpillé », détaille Olena. « [Mais] il restait quelques pièces habitables ».
Svitlana, la petite-fille de Kateryna, n’a pas eu cette chance. La maison construite récemment par son mari pour la jeune famille a été touchée par deux roquettes, la détruisant irrémédiablement.
Mon mari m’a dit : « Imaginez, je l’ai construite moi-même et maintenant je dois la démanteler », confie Svitlana, 29 ans, incapable de retenir ses larmes, debout sur les fondations en béton sur lesquelles se dressait leur maison. « Nous n’avons jamais pensé que nous aurions besoin de construire deux maisons au cours de notre vie ».
Svitlana et sa famille n’ayant plus de logement, quatre générations de la famille Humennyy vivent désormais dans la maison de Kateryna – le plus jeune, Matvii, arrière-petit-fils de Kateryna et fils de Svitlana, est né quelques semaines seulement après la destruction de la maison de ses parents.
Tout au long du printemps et de l’été, la famille a tiré le meilleur parti de la situation, s’entassant dans les quelques pièces habitables, couvrant les fenêtres béantes avec des bâches en plastique, comblant les cratères dans le jardin et déblayant les débris. Mais à l’approche de l’automne et du froid, ils se sont inquiétés des trous béants dans le toit et les murs.
C’est à ce moment que le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires sont intervenus. Grâce à un financement de l’Union européenne, des entrepreneurs locaux ont été mobilisés afin d’effectuer les réparations essentielles, en réparant le toit et en remplaçant les fenêtres et les portes endomagées.
Avec son réseau de partenaires principalement ukrainiens, le HCR a pu jusqu’à présent aider plus de 4,3 millions de personnes, y compris des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des communautés affectées par la guerre. Mais la guerre en cours faisant de plus en plus de victimes parmi les civils, un soutien accru est nécessaire pour sauver des vies et soutenir les efforts de reconstruction dans la mesure du possible.
« La guerre a tout chamboulé »
Depuis la fin des travaux en septembre dernier, la maison des Humennyy est redevenue un véritable sanctuaire.
« Tout va bien. Nous vivons tous ensemble, et je m’inquiète moins parce que tout le monde est proche », confie Olena. « Nous sommes reconnaissants envers tous ceux qui nous ont aidés depuis différents pays ».
« La guerre a tout chamboulé. Tout est reparti de zéro », poursuit-elle. « Je voudrais que la guerre se termine et que la paix, la victoire arrivent. Pour que nous puissions commencer à vivre, à échafauder des projets. »
Quelques jours plus tard, Svetlana a reçu de bonnes nouvelles : à la suite d’une évaluation, le HCR va fournir des matériaux de construction pour aider à reconstruire leur maison.
« Cela nous aidera à reconstruire plus rapidement », se réjouit-elle. « La [nouvelle] maison sera un peu plus petite en taille car tout est plus cher ».
Pendant que son mari s’occupe de la construction, Svitlana procède à d’importants changements à l’extérieur. Elle a planté de jeunes arbustes au fond du jardin, donnant sur la plaine d’où ont été tirés les obus qui ont détruit leur maison.
« Les arbres du jardin poussent et nous allons en planter d’autres, pour entourer notre maison de plantes afin que personne ne puisse la voir de loin. »
Publie par le HCR, le 23 février 2023.