La violence des groupes armés a déplacé plus de 250 000 personnes depuis 2017 à Cabo Delgado, dont beaucoup vivent dans des conditions désastreuses en quête de sécurité.
Joaquina* dormait lorsque des militants armés ont envahi son village, au nord du Mozambique, vers 4 heures du matin et ont ouvert le feu.
« Nous nous sommes réveillés au son des cris et des coups de feu de nos voisins », explique cette femme de 41 ans, encore secouée par cet incident.
Les flammes ont rendu le ciel de couleur orangée. Lorsque les miliciens ont commencé à incendier les maisons de leur village, elle s’est habillée en hâte avec ses deux filles et ses deux petites-filles et elle a fui dans la brousse.
« Lorsque nous sommes rentrés dans notre village le lendemain matin, nous avons constaté que notre maison avait été réduite en cendres. Il ne restait plus rien », se souvient-elle.
La meilleure chance de trouver un lieu en sécurité, pensait-elle, serait en dehors des alentours immédiats. Elle a donc emmené sa famille chez un ami à quelques kilomètres de là, mais les assaillants n’étaient pas loin derrière eux. Quelques jours après, des insurgés ont pris d’assaut ce village, ont brûlé les maisons et tué plusieurs habitants.
Pour la troisième fois, la famille de Joaquina a dû fuir vers un autre village où elle a également été témoin d’une nouvelle attaque. Cette fois-ci, elle a décidé de chercher refuge plus au sud de la province, en comptant sur des personnes rencontrées en chemin pour trouver un endroit où dormir pendant une ou deux nuits et sur le peu de nourriture ou d’eau qu’elles pouvaient leur fournir.
« Nous avons marché pendant deux jours, sans rien manger, en demandant de l’aide partout où nous nous sommes arrêtés », se souvient Joaquina. « Parfois, nous devions courir parce que nous avions peur d’être pris dans de nouvelles attaques. Mes jambes étaient enflées à force de marcher et de courir. »
« Ils ont été traumatisés par ce qu’ils ont vu pendant les attaques. Des gens ont été tués sous leurs yeux. »
Ces multiples attaques ont été particulièrement difficiles à supporter pour les enfants.
« Ils ont été traumatisés par ce qu’ils ont vu pendant les attaques. Des gens ont été tués sous leurs yeux », ajoute-t-elle.
Le HCR est alarmé par les attaques dans la province de Cabo Delgado où des civils comme Joaquina et sa famille sont déplacés et d’autres ont été tués. Des villages ont été attaqués et pillés, des maisons et des cultures ont été brûlées et détruites et les infrastructures ont été endommagées.
La région du nord-est du pays confrontée depuis 2017 à ce type d’attaques commises par des groupes armés qui, à ce jour, ont déraciné plus de 250 000 civils, selon les statistiques d’OCHA, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. La plupart restent dans la même province.
Des familles comme celle d’Issa* ont fui sans rien d’autre que les vêtements portés ce jour-là et comptent désormais sur la générosité des communautés locales qui l’accueillent, ainsi que sur celle de milliers d’autres personnes.
« Après ce que j’ai vu dans ma région natale, je ne veux plus y retourner », dit-il. « Si je peux trouver une maison et avoir un emploi pour faire vivre ma famille, nous pourrons mener une vie normale. »
L’un des hôtes locaux en convient, et il demande instamment aux autorités locales et aux organismes d’aide de fournir davantage de soutien.
« Ils devraient non seulement offrir de la nourriture mais aussi des emplois, des terres agricoles et des logements. Alors, il y aura davantage de production », dit-il.
Jusqu’à présent, la majorité des personnes déplacées sont accueillies par des proches ou des amis dans des zones plus stables. Les logements sont rares, avec parfois 20 à 30 personnes vivant sous le même toit. La situation pourrait s’aggraver avec la fuite des personnes déplacées vers les provinces voisines de Nampula et Niassa.
Les besoins financiers pour l’opération de déplacement interne augmenteront probablement au fur et à mesure de l’évolution de la situation à Cabo Delgado.
La province se remet encore doucement de l’impact du cyclone Kenneth, en avril dernier et qui avait affecté des centaines de milliers de personnes. Puis elle a également été touchée par de fortes pluies en décembre et en janvier. Plusieurs ponts se sont effondrés et des maisons ont été endommagées ou détruites. La prochaine saison des pluies, de novembre à avril, risque de réduire encore l’accès à certaines zones touchées et la crise de Covid-19 entrave sérieusement les activités sur le terrain et le déploiement de travailleurs humanitaires.
« Nous devons encore rester et apporter notre aide aux plus vulnérables, malgré la situation sécuritaire instable. »
Le HCR travaille avec des agences partenaires depuis l’année dernière pour fournir une assistance de base aux personnes déplacées, y compris la distribution d’articles ménagers comme des matelas, des kits d’ustensiles de cuisine, des jerricans et des couvertures.
« Nous avons aidé 6500 personnes déplacées, y compris leurs hôtes. Nous devons encore rester et apporter notre aide aux plus vulnérables, malgré la situation sécuritaire instable », déclare Samue Chakwera, Représentant du HCR au Mozambique.
Il ajoute que le HCR et d’autres agences de protection se concentrent sur l’aide aux personnes les plus vulnérables, en identifiant les besoins critiques et en garantissant l’exercice des droits fondamentaux. Grâce à un réseau d’agences partenaires, les personnes déplacées sont orientées vers les services d’assistance disponibles, tandis que le HCR s’efforce de combler les éventuelles lacunes identifiées lors des interactions avec les personnes déplacées.
Joaquina et sa famille se trouvent désormais chez son frère à Montepuez, après qu’il ait fui son village suite à des attaques, il y a quelques mois. Pour l’instant, elle a des rêves simples.
« J’avais l’habitude de cultiver du sésame, du maïs et du manioc, j’aimerais donc avoir un peu de terre pour travailler », dit-elle. « Mais surtout, mon souhait est que le conflit prenne fin bientôt. Je veux retourner dans mon village. Si tout le monde revient, alors je pourrai aussi y retourner. »
Les déplacements internes augmentent dans le monde entier. L’année dernière, 45,7 millions de personnes ont fui vers d’autres régions de leur propre pays, selon les statistiques du HCR.
*Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection
Publie par le HCR, le 18 septembre 2020