Filippo Grandi a constaté les conditions de vie au centre de Moria à Lesbos et appelle les Etats européens à aider la Grèce à gérer cette situation.
Ibrahim Mohamed et sa famille avaient fui la Syrie plus tôt cette année lorsque des bombardements ont détruit leur maison. En quête d’un refuge en Europe, ils vivent aujourd’hui à la périphérie d’un centre d’accueil et d’identification surpeuplé à Moria, sur l’île grecque de Lesbos.
Ils sont passés d’une situation intolérable à une autre.
« Regardez les conditions de vie ici, est-ce humain ? » a demandé Ibrahim, 49 ans, mercredi, en montrant du doigt des abris qu’il a construits avec du bois et des bâches en plastique pour lui-même et sa famille proche.
De nombreux voisins d’Ibrahim dans l’installation spontanée de débordement connue localement sous le nom d’Olive Grove ont dit ressentir la même chose. L’approche de l’hiver a empiré les choses.
Les tentes fragiles, les palettes en bois et les bâches en plastique ne tiennent pas face aux vents violents et à la pluie de cette semaine. L’eau sale rend les chemins glissants et s’infiltre dans les habitations, générant de la moisissure dans les couvertures et les vêtements.
Pire encore, les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent dans cette installation insalubre manquent d’intimité et de sécurité. L’électricité et l’eau chaude sont rares et les résidents n’ont pas accès aux services médicaux. Il y a eu des incidents répétés de violence et des manifestations.
Ces conditions sont inacceptables, a déclaré mercredi le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi lors d’une visite sur le site.
« Ce que nous voyons ici à Lesbos est très inquiétant. »
Il a appelé les Etats européens à apporter leur appui à la Grèce pour que ce pays puisse faire face à la situation et a lancé un appel urgent afin que des milliers de demandeurs d’asile soient transférés dans des logements décents.
« Ce que nous voyons ici à Lesbos est très inquiétant », a déclaré Filippo Grandi, qui se trouvait sur l’île lors d’une visite de trois jours en Grèce. « Nous sommes en Europe. Nous ne pouvons accepter que des personnes en détresse vivent dans des conditions aussi effroyables. »
La situation en Moria s’est fortement détériorée depuis la dernière visite de Filippo Grandi en 2016, principalement en raison du surpeuplement. Quelque 30 000 demandeurs d’asile vivent actuellement dans cinq centres d’accueil sur les îles de la mer Égée, conçus pour seulement 5400 personnes.
Dans ce contexte, Filippo Grandi s’est félicité des mesures prises par le gouvernement grec pour remédier à la situation, notamment l’engagement de transférer 20 000 personnes sur le continent pour y vivre dans de meilleures conditions.
« Nous sommes encouragés par le fait que des aspects importants de la situation seront traités en priorité : un logement décent, un transfert sur le continent, des processus plus rapides pour déterminer le statut juridique et l’avenir de ces personnes », a-t-il déclaré.
Filippo Grandi s’est félicité de l’accueil de ces demandeurs d’asile par la population grecque. Cette année, davantage de demandeurs d’asile sont arrivés en Grèce que dans l’ensemble des pays suivants : l’Italie, l’Espagne, Malte et Chypre. La plupart étaient des familles originaires de l’Afghanistan, de la Syrie et de l’Irak.
« Il faut de la solidarité, il faut de la compassion, il faut comprendre que ce que fait la Grèce avec tant de générosité et d’ouverture doit être partagé plus largement », a répété Filippo Grandi. « Nous devons tous être solidaires avec la Grèce. »
Filippo Grandi a également rendu visite au personnel et aux partenaires du centre d’accueil de Kara Tepe à Lesbos. Il s’est entretenu avec un groupe de femmes qui ont fait part de leurs préoccupations au sujet de la violence domestique et sexuelle à laquelle de nombreuses femmes réfugiées sont exposées pendant leur fuite et durant leur séjour à Lesbos. Géré par la municipalité de Mytilène et le HCR, Kara Tepe héberge actuellement 1300 demandeurs d’asile, tout particulièrement des personnes vulnérables.
« Il faut trouver des solutions pour les mineurs non accompagnés. »
Il a également rencontré Ibtisam, une veuve syrienne, et ses enfants qui ont des besoins médicaux spécifiques. La famille s’est enfuie en Grèce via la Turquie après qu’un attentat à la bombe contre leur maison a tué cinq membres de leur famille, dont le mari et la sœur d’Ibtisam.
Filippo Grandi a visité une classe dans un centre éducatif à Mytilène et s’est dit préoccupé par le sort des jeunes réfugiés et demandeurs d’asile. Il a appelé l’Europe à venir en aide aux 5000 enfants sans parents ni proches présents en Grèce, dont 1200 à Lesbos.
« Les mineurs non accompagnés ont besoin de solutions en termes d’hébergement, d’éducation et de perspectives d’avenir », a-t-il déclaré.
À Athènes, Filippo Grandi s’est entretenu avec le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis et d’autres représentants du gouvernement pour discuter de mesures pratiques et fondées sur des principes permettant de relever les défis urgents auxquels la Grèce est confrontée, ainsi que de solutions à long terme pour aider les réfugiés à devenir autonomes et à s’intégrer à la société grecque.
Lors d’une réunion organisée par le maire d’Athènes, Kostas Bakoyannis, le Haut Commissaire a souligné les thèmes clés de l’intégration et du partage des responsabilités avec un groupe de maires qui accueillent des réfugiés dans leurs villes.
Filippo Grandi a conclu sa visite en s’adressant à deux commissions du Parlement grec et en rencontrant des missions diplomatiques et d’autres agences des Nations Unies, des représentants de la société civile et d’autres acteurs engagés dans le travail humanitaire.
Publie par le HCR, le 28 novembre 2019