Medhn et Azmera mettent à profit leurs compétences dans la construction d’habitations équipées pour résister aux conditions climatiques extrêmes pour venir en aide aux autres réfugiés dans l’est du Soudan
Par Samuel Otieno Odhiambo à Tunaydbah, Soudan
Avant que le conflit n’éclate dans la région du Tigré, au nord de l’Éthiopie, il y a près de deux ans, tout allait bien pour Medhn Enday, une réfugiée mère de deux enfants. Elle avait obtenu son diplôme en ingénierie de la construction à l’université de Mekelle, dans la capitale régionale, et avait ensuite travaillé comme contremaître avant de créer sa propre entreprise. « Je travaillais en tant qu’entrepreneure et j’avais remporté des appels d’offres », se souvient-elle. « Je m’occupais de ma famille, de mes enfants, de ma propre maison et de ma vie. »
Lorsque les combats l’ont obligée à fuir de l’autre côté de la frontière, au Soudan, tout cela a pris fin. Mais dans le camp de réfugiés de Tunaydbah, Medhn a trouvé le moyen de mettre à profit ses compétences techniques, en travaillant avec une autre ingénieure pour aider à construire plus de 600 abris durables en faveur de leurs compatriotes réfugiés.
Comme Medhn, Azmera Glmedn travaillait dans la construction dans sa région natale, le Tigré, et gérait plusieurs projets pour le gouvernement local. Lorsque la guerre a éclaté, elle a également dû tout quitter et s’est enfuie au Soudan avec son mari et leurs deux enfants. « Nous sommes venus sans rien », dit Azmera.
Malgré la précarité et le désarroi, Azmera et Mehdn se sont donné un objectif à Tunaydbah, où elles se construisent une nouvelle vie en même temps qu’elles contribuent à la construction de nouvelles habitations pour les autres réfugiés.
« Au début, je me sentais mal parce que je ne m’attendais pas à vivre ce genre de vie », explique Azmera en parlant de sa vie dans un camp de réfugiés. « Je me sentais malheureuse. Mais maintenant, je considère le Soudan comme mon deuxième chez-moi. »
Medhn est contremaître et Azmera est cheffe de chantier dans la construction de solides tukuls, des habitations traditionnelles circulaires en pierre avec des toits de chaume, qui résistent bien mieux aux conditions climatiques extrêmes que les tentes et les abris branlants faits de bout de bois et de bâches qu’ils remplacent.
En 2021, de fortes pluies et des vents violents ont détruit les fragiles abris de Tunaydbah et du camp de réfugiés voisin d’Um Rakuba, faisant à nouveau de milliers de familles de réfugiés des sans-abri. « L’année dernière, j’ai été témoin des destructions causées par les fortes pluies et les vents violents, et je suis heureuse de faire ce travail en sachant que je contribue à la sécurité des familles », explique Azmera.
Medhn et Azmera travaillent pour l’ONG MedAir, un partenaire du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Leur équipe construit des tukuls à Tunaydbah, chacun avec des murs de pierre à hauteur d’épaule et un épais toit de chaume résistant aux intempéries. Certains sont même surmontés de croix coptes éthiopiennes ornées qui rappellent le pays.
« Je supervise la construction, depuis la mise en place et la lecture du plan, jusqu’au contrôle de la qualité de la construction », explique Azmera. « J’ai également formé 40 femmes et changé leur perception des métiers de la construction. Nous les avons recrutées et leur avons donné l’opportunité de travailler. »
Grâce à ses compétences et à son savoir-faire, Azmera est respectée dans ce secteur traditionnellement dominé par les hommes. « Personne ne me sous-estime parce que je suis une femme », dit-elle.
Le HCR et ses partenaires, MedAir, NRC et ACTED, ont construit au total plus de 2300 abris durables et résistants aux intempéries dans les camps de Tunaydbah, Um Rakuba et Babikri, tous situés dans l’Etat soudanais de Gedaref.
En outre, pour atténuer l’impact des inondations, le HCR, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et d’autres partenaires ont construit des circuits de drainage et des canaux dans les zones inondables autour des camps.
Pour Medhn et Azmera, tout cela est plus qu’un simple passe-temps. Cela leur permet de mettre à profit leurs compétences durement acquises, de gagner leur vie, de contribuer au bien-être des autres et d’apporter quelque chose à leur communauté.
« Une chose que je n’oublierai jamais quand je partirai d’ici », dit Azmera, « c’est que nous avons travaillé dur pour la communauté qui est là avec nous aujourd’hui, et qui sera encore avec nous quand nous rentrerons au pays. »
Publie par le HCR, le 13 octobre 2022.