Parmi les 1,5 million de réfugiés et de migrants vénézuéliens présents au Pérou, des médecins et des infirmières veulent se rendre utiles.
Par Jenny Barchfield à Lima, Pérou | 15 février 2023
Les collègues d’Edixioney Nubo Romero lui reconnaissent le mérite d’avoir administré le plus grand nombre de vaccins contre le Covid-19 dans toute la partie nord de Lima, un vaste quartier pauvre de la capitale péruvienne. Et bien qu’il n’existe pas de calcul exact, son décompte officieux selon lequel elle aurait administré plusieurs dizaines de milliers de doses semble plausible.
Il y a eu des jours, dans les périodes les plus sombres de la pandémie, où cette infirmière vénézuélienne se mettait à l’œuvre dès 7 heures du matin et ne terminait que vers minuit, après avoir vacciné des centaines de patients.
« Nous ne ressentions pas la fatigue », se souvient Edixioney. « Notre objectif était que les gens puissent se faire vacciner afin qu’ils n’aient pas à rentrer chez eux après avoir perdu leur temps à faire la queue, sans avoir été vaccinés. »
Edixioney, 39 ans, a quitté le Venezuela pour sauver la vie de sa fille qui avait besoin d’une intervention chirurgicale au cœur. Elle a passé ses premiers mois au Pérou à travailler dans un restaurant, et le fait de pouvoir exercer aujourd’hui sa vraie profession est une bénédiction.
« Notre travail consiste à vacciner », explique Edixioney, ajoutant qu’elle et les autres infirmières vénézuéliennes avec lesquelles elle travaille à la clinique publique Los Libertadores, dans le quartier San Martín de Porres de Lima, seront éternellement reconnaissantes pour « l’opportunité de gagner notre vie en faisant ce que nous aimons ».
Le Pérou est le deuxième plus important pays d’accueil de réfugiés et de migrants vénézuéliens de la région, avec près de 1,5 million de personnes sur les 7,1 millions de ressortissants vénézuéliens qui ont fui leur pays ces dernières années en raison de la crise sociale et économique. Nombre d’entre eux sont des personnes ayant bénéficié d’une formation professionnelle, notamment des infirmières, des kinésithérapeutes et des médecins qui, bien qu’ayant des compétences très recherchées dans leur pays d’adoption, se sont parfois heurtés à des obstacles administratifs qui ont rendu difficile l’exercice de leur métier.
Ce fut initialement le cas pour Nestor Márquez, un médecin de 53 ans qui s’est installé à Lima en 2018. À son arrivée, Nestor n’est pas parvenu immédiatement à faire valider son diplôme de médecin. Il s’agit d’un processus long et coûteux qui peut prendre jusqu’à un an et demi. Sa grande priorité à l’époque était de rassembler suffisamment d’argent pour pouvoir faire venir sa femme et ses trois jeunes enfants au Pérou.
Pour ce faire, il a troqué la blouse blanche qu’il portait au quotidien durant sa carrière de médecin au Venezuela contre une paire de chaussures de marche.
« Je vendais des livres sur les trottoirs… J’étais un vendeur de livres ambulant », raconte Nestor, avec un sourire tout juste visible derrière son masque chirurgical. « Cela m’a beaucoup aidé. Avec ce que j’ai gagné en vendant ces livres, j’ai pu faire venir ma famille. »
Aujourd’hui, grâce, en partie, à un accord entre le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et le ministère de la Santé du Pérou, Nestor travaille comme kinésithérapeute – discipline dans laquelle il a été formé au Venezuela – au sein d’une nouvelle clinique publique dans le nord de Lima. Dans le cadre de cet accord, le HCR finance le salaire des employés, qui sont presque tous des ressortissants vénézuéliens, pendant une période initiale de trois mois, le temps qu’ils soient intégrés à l’institution.
Depuis son inauguration l’année dernière, les habitants de la capitale péruvienne se rendent en masse au centre de rééducation Los Olivos de Pro, afin d’y recevoir des soins pour des maux tels que des douleurs dorsales, des lésions neurologiques ou des problèmes respiratoires persistants dus au Covid-19. Le personnel du centre a également constaté une augmentation du nombre de parents cherchant à obtenir des soins orthophoniques pour leurs jeunes enfants qui, parce qu’ils sont restés enfermés chez eux à un stade crucial de leur développement pendant la pandémie, ont du mal à communiquer.
Nestor explique que, de façon ironique, c’est la pandémie de coronavirus qui a permis aux professionnels de santé vénézuéliens, comme lui, de reprendre le travail au Pérou.
En 2020, les professionnels de la santé péruviens ont été parmi les plus durement touchés par le coronavirus, ce qui a entraîné une diminution des effectifs déjà surchargés. La pandémie a entraîné un besoin urgent en professionnels de santé qualifiés et expérimentés, ce qui a incité les autorités péruviennes à accélérer l’octroi de permis de travail au personnel qualifié originaire d’autres pays et vivant déjà au Pérou. C’est à ce moment-là que Nestor a demandé et obtenu le droit d’exercer au Pérou.
« C’est comme un rêve devenu réalité d’être… dans cet endroit où les besoins sont si importants. »
« Pour moi, c’est comme un rêve devenu réalité d’être ici, dans cet endroit où les besoins sont si importants », affirme-t-il en indiquant d’un geste la salle d’attente, où un jeune garçon en fauteuil roulant et portant des attelles aux jambes attend son rendez-vous. « Travailler ici, dans cette clinique, me permet de faire ce que à quoi j’ai dévoué tous mes efforts, entouré de collègues vénézuéliens exceptionnels. »
À la question de savoir si certains patients ont rechigné à être pris en charge par les membres du personnel presque exclusivement vénézuélien de la clinique, Nestor répond qu’au contraire, « ils sont satisfaits et reconnaissants. »
Yesenia Ramos Sandóval, la mère de Jeremy, 7 ans, le petit garçon en fauteuil roulant, partage ce sentiment.
« Nous sommes tellement heureux de pouvoir offrir à Jeremy les soins dont il a besoin », déclare-t-elle avec un large sourire.
Publie par le HCR, le 15 février 2023.