Hadia, 25 ans, ancienne réfugiée en Iran, fait sa première récolte de miel après avoir reçu une formation en apiculture. © HCR/Caroline Gluck

Un projet d’apiculture permet à des femmes et des hommes de gagner leur vie tout en contribuant à la protection de l’environnement

Par Caroline Gluck dans le district de Guzara, dans l’ouest de l’Afghanistan


Vêtue d’une combinaison de protection blanche, de gants et d’un chapeau à filet couvrant son visage, Hadia, jeune mère de trois enfants, soulève avec précaution le cadre en bois d’une ruche. Des centaines d’abeilles tournoient autour d’elle tandis qu’elle en écarte délicatement d’autres du cadre et qu’elle place celui-ci dans une boîte, qu’elle emportera chez elle pour en extraire sa première récolte de miel. Elle esquisse un sourire nerveux.


Hadia et son mari ont été réfugiés en Iran et luttent depuis qu’ils sont rentrés en Afghanistan pour subvenir aux besoins de leur famille dans le village de Dehzaq, dans la province occidentale de Herat. Il s’agit d’une zone rurale pauvre et, comme la plupart des familles ici, ils n’ont pas de travail régulier et ont accumulé beaucoup de dettes.

« Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes », explique le jeune homme de 25 ans. « Lorsque votre situation financière n’est pas bonne, vous ne pouvez pas améliorer votre vie ni assurer l’avenir de vos enfants. On ne peut pas leur acheter de vêtements ou de la nourriture, ni financer leur éducation. »

Aussi, lorsque l’occasion s’est présentée de participer à un programme de formation en apiculture, et que les femmes ont été encouragées à postuler, Hadia a sauté sur l’occasion. Depuis que les autorités de facto ont pris le pouvoir il y a trois ans, les femmes afghanes sont confrontées à des restrictions croissantes de leur droit de travailler, de voyager et d’étudier, ce qui limite considérablement leur participation à la vie publique et leur capacité à gagner leur vie.

« Je rêve depuis longtemps de pouvoir voler de mes propres ailes et d’avoir un emploi », déclare Hadia. « Nous sommes si heureux d’avoir cette opportunité et nous sommes déterminés à en tirer parti ».

Elle vit dans l’un des cinq villages du district de Guzara où 50 participants – dont 38 femmes – se forment à l’apiculture. Le projet est géré par l’Association des activités et des services sociaux pour les femmes (WASSA), un partenaire du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui a fait appel à des experts locaux en apiculture en tant que formateurs. Chaque participant a reçu un équipement de protection et des kits de démarrage comprenant des cadres, un extracteur de miel et cinq ruches contenant chacune environ 70 000 abeilles.

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Avec ses enfants assis à côté d'elle dans sa maison, Hadia présente une partie du miel qu'elle a conditionné pour la vente. © HCR/Caroline Gluck
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Halima rend visite à ses abeilles tous les jours pour les protéger des insectes nuisibles tels que les frelons. Elle utilise un balai pour s'en débarrasser. © HCR/Caroline Gluck
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Hafizulla, 51 ans, est un apiculteur nouvellement formé. Ce père de dix enfants espère que l'apiculture permettra d'améliorer la vie de sa famille. © HCR/Caroline Gluck

En plus d’apprendre à s’occuper de leurs abeilles, les participants acquièrent les connaissances et les compétences nécessaires afin de créer leur propre commerce de miel et de produits dérivés tels que la cire d’abeille, la gelée royale et la propolis (une matière ressemblant à de la résine produite par les abeilles et souvent utilisée pour lutter contre les bactéries et les virus). Un soutien leur est également apporté pour les aider à trouver des débouchés pour leurs produits.

Le projet est également mis en œuvre dans les régions du centre et de l’est de l’Afghanistan. Au total, 200 personnes reçoivent une formation dans le cadre du programme, avec le soutien de l’Afghanistan Humanitarian Trust Fund, de la Banque islamique de développement et du Fonds saoudien pour le développement.

Alors que les villages ruraux sont souvent considérés comme des endroits plutôt conservateurs, la participation des femmes a été bien accueillie par les communautés, car le travail peut être effectué à proximité du domicile, implique souvent d’autres membres de la famille et présente des avantages économiques évidents.

Dans le village de Kala Gerd, Halima, 54 ans, mère de sept enfants et ancienne réfugiée en Iran, connaît des difficultés depuis que son mari est devenu trop malade pour travailler et qu’une série de tremblements de terre qui ont frappé la province d’Herat en octobre dernier a endommagé leur maison et leurs récoltes. Mais après avoir participé à la formation à l’apiculture, sa première récolte a donné 26 kilos de miel. Elle se réjouit à l’idée de devenir le principal soutien de la famille. « Ma famille est tellement fière et heureuse que leur mère ait un travail et bientôt un revenu », sourit-elle.

Elle utilisera ses bénéfices pour acheter de la nourriture et des vêtements pour la famille, mais elle prévoit également d’investir dans d’autres ruches. Sa plus grande préoccupation aujourd’hui est de protéger ses abeilles des parasites, en particulier des frelons. Saisissant un balai, elle montre comment elle se débarrasse des frelons en les attaquant sans crainte à coup de brosse. « Je dois les éliminer, sinon ils tueront mes abeilles », explique-t-elle. « Nos abeilles seront notre principale source de revenus et je suis déterminée à en prendre soin ».

En plus de contribuer à la subsistance de ces familles, le projet présente des avantages plus larges pour ces communautés rurales dont la plupart des membres vivent de l’agriculture. Les abeilles contribuent à la biodiversité locale et sont d’importants pollinisateurs, souligne le superviseur du projet apicole de WASSA, Jalil Ahmad Frotan, qui élève des abeilles depuis 13 ans et possède une centaine de ruches.

« La recherche a prouvé que si l’on installe des ruches, par exemple dans un verger de pommiers, on peut multiplier le rendement par cinq. Il est donc très important que nous étendions ce type de projet et que nous partagions les avantages de la pollinisation avec nos agriculteurs. »

« Il n’y a pas de nourriture sans abeilles », ajoute-t-il.

Dans le même village qu’Halima, Hafizulla, père de dix enfants et lui aussi réfugié, a déclaré que le projet lui avait donné une nouvelle raison d’être et une nouvelle motivation. « J’étais sans emploi et déprimé. L’apiculture m’occupe beaucoup. J’ai l’intention de continuer et de faire grandir mon élevage d’abeilles. »

« J’espère que cela contribuera à assurer une vie meilleure à ma famille – que notre vie deviendra plus douce, comme le miel ».

Publie par le HCR, le 20 août 2024.

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