Première réfugiée à avoir été élue députée en Nouvelle-Zélande, Golriz Ghahraman explique comment son expérience de réfugiée lui a permis de s’orienter dans la vie politique.
Par Jade Herron à Canberra, Australie
Actuellement âgée de 41 ans, Golriz Ghahraman est arrivée en Nouvelle-Zélande avec sa famille en 1990, après avoir fui l’Iran. Avant d’entrer dans l’histoire en 2011 en tant que toute première réfugiée à devenir députée en Nouvelle-Zélande, elle a travaillé comme avocate défenseuse des droits humains pour les Nations Unies. En 2020, elle a publié son autobiographie, Know Your Place, qui décrit les réalités associées au fait de repartir à zéro dans un nouveau pays et qui explique ce qu’il faut faire pour créer un sentiment d’appartenance. À l’approche de la Journée internationale de la femme, le HCR s’est entretenu avec Golriz pour discuter de l’impact de son statut de femme réfugiée sur sa vie politique.
Vous étiez âgée d’à peine neuf ans lorsque vous avez fui l’Iran avec votre famille. Quels sont vos souvenirs les plus marquants de cette époque, et comment le fait de devenir réfugiée à un si jeune âge a-t-il contribué à façonner le cours de votre vie ?
Les gens pensent souvent que les réfugiés sont définis par leur déracinement, mais il y a toute une vie avant cela. J’étais une enfant âgée de neuf ans tout à fait normale. J’avais mes amis d’école, mes cousins et ma chambre dont j’étais si fière. Il y a cette autre vie qui n’est pas faite de guerre, d’oppression et de fuite en quête de sécurité.
Je savais que nous allions déménager pour très longtemps. À neuf ans, on se souvient et on comprend certaines choses. On a le sentiment de comprendre la peur et l’anxiété de ses parents. Il y avait ce sentiment de tourmente omniprésent. J’ai su, une fois que nous avons atterri en Nouvelle-Zélande, qu’il y avait un risque que nous ne soyons pas acceptés comme réfugiés. Il y a ce moment où vous n’avez aucune idée ce qui va se passer. Mais nous avons été bien accueillis. C’était exactement ce qui devait arriver, et le fait d’y penser me coupe encore le souffle.
Après avoir défendu les droits humains en tant qu’avocate – notamment au nom des réfugiés et de migrants – vous êtes entrée au Parlement et êtes devenue la toute première députée néo-zélandaise chargée des réfugiés. Comment avez-vous utilisé votre propre exemple pour tenter de changer la façon dont les réfugiés sont perçus ?
Mon expérience de l’asile et de la reconnaissance du statut de réfugié remonte à des décennies avant mon entrée en politique. Je n’ai jamais eu l’intention de me présenter comme la soi-disant députée réfugiée. Mais votre visage, votre histoire et vos antécédents ont une grande importance lorsque vous êtes dans la vie publique. La communauté a commencé à me tendre la main ; j’ai reçu cet incroyable torrent d’amour et d’espoir, ce qui était en même temps triste car je me suis rendue compte qu’il y avait un vide depuis tout ce temps. Cette manifestation d’amour s’est accompagnée de peur, de haine et de préjugés. Pour moi, cela a confirmé la nécessité d’une représentation pour les réfugiés. Cela m’a également rappelé les implications du passage par le statut de réfugié. Les défis pour devenir visible étaient si grands.
Pouvez-vous nous parler de votre travail sur le changement climatique et la promotion du développement durable ? Comment votre parcours personnel a-t-il influencé votre approche de ces questions ?
Dans ma vie précédente, lorsque je travaillais sur les crimes de guerre et les tribus génocidaires, nous savions que ces crises affectaient les communautés de façons très différentes. Il en sera exactement de même avec la crise climatique. Les communautés les plus pauvres, les travailleurs, les femmes, la communauté arc-en-ciel seront touchés différemment, et les réfugiés, en particulier, seront en première ligne. La manière d’outiller différentes communautés afin de leur permettre de résister à la crise devient une question importante car nous sommes tous liés. Nous devons réduire les émissions, mais aussi envisager des mesures d’atténuation.
En Nouvelle-Zélande, nous nous considérons comme une île du Pacifique Sud. Auckland, où je vis, est l’une des capitales de cette région du Pacifique Sud. Ces îles sont littéralement noyées par la crise climatique. Nous ne devons pas nous contenter de mettre en place des plateformes pour les nations du Pacifique, ou la communauté déplacée. Les personnes concernées doivent réellement être à la table des discussions. C’est le poids que nous devons donner à ces expériences.
Vous avez écrit au sujet des votre expérience du « syndrome de l’imposteur », que beaucoup de femmes et de personnes issues de groupes marginalisés ressentent. Quels conseils donneriez-vous à ceux qui éprouvent des sentiments similaires ?
Le terme « syndrome de l’imposteur » fait peser la responsabilité sur la personne confrontée à ce problème, comme s’il y avait une anomalie chez celle-ci. Une meilleure façon de voir ce que nous qualifions de syndrome de l’imposteur est de considérer que nous avons des réponses normalisées et consensuelles face à ce qui nous est étranger, qui ne nous a pas inclus – qu’il s’agisse d’une salle de réunion, d’un tribunal ou de la Chambre des représentants. C’est une sorte de tentative de manipulation, de déformation de la réalité au niveau sociétal.
On s’attend à ce que vous brisiez le plafond de verre et que vous y parveniez en vous soutenant vous-même. Cependant, nous ne sommes pas reçues de la même manière que les hommes. Il ne s’agit pas toujours d’aller jusqu’au bout. Parfois, il faut se retrancher dans sa zone de confort, avoir des discussions à bâtons rompus ou être la personne qui soutient une autre femme et simplement valider. Partager et parler à d’autres personnes auxquelles on sait qu’on peut s’identifier… c’est ce qui m’a permis de m’en sortir.
S’il y avait un message que vous voudriez partager plus largement au sujet des réfugiés – ou envoyer aux personnes actuellement en déplacement – quel serait-il ?
Je vois les réfugiés comme un témoignage de la force et de la bonté de l’esprit humain. Tant du point de vue de l’existence-même de la Convention relative au statut des réfugiés que du fait que les gens continuent à dire « Je mérite d’être libre », et qu’ils prennent leurs enfants et fuient. Le fait que nous prenions soin les uns des autres et que nous nous battions pour notre liberté en dit long sur l’humanité.
Publie par le HCR, le 07 mars, 2022.