Un système de haute technologie et à un prix accessible permettant de surveiller en temps réel l’approvisionnement en eau et son utilisation dans les installations de réfugiés est honoré d’un prestigieux prix de la Commission européenne pour l’innovation.
Par le personnel du HCR
BRUXELLES – Lorsque David Githiri est arrivé en Ouganda en 2017 pour superviser l’équipe technique du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, chargée de fournir des services aux réfugiés et aux communautés d’accueil dans le pays, son affectation a débuté dans un contexte d’afflux massif de personnes fuyant le conflit au Soudan du Sud.
L’un des plus importants défis que Githiri – un ingénieur civil et environnemental originaire du Kenya – et son équipe ont dû relever était de trouver un moyen d’assurer l’approvisionnement en eau en quantité suffisante pour répondre aux besoins quotidiens des réfugiés, dont la plupart étaient des femmes et des enfants.
Au pic de la situation d’urgence, avec plus d’un demi-million de réfugiés qui ont afflué dans la région nord-ouest du pays, la seule façon pour le HCR de fournir de l’eau aux réfugiés dans ces localités reculées et sous-développées était de recourir à une flotte de 630 camions-citerne pour fournir de l’eau, et ce à un coût prohibitif.
« L’eau potable était nécessaire pour la survie et la prévention des maladies, mais la livraison d’eau par camion-citerne est coûteuse et notoirement difficile à contrôler », a déclaré David Githiri. « Nous devions rendre compte de chaque dollar dépensé, mais cela causait des défis majeurs. »
Le bureau du HCR en Ouganda, situé dans la capitale Kampala à des centaines de kilomètres de l’installation de réfugiés, recevait en continu une grande quantité de reçus manuscrits sur papier, pratiquement impossibles à vérifier.
« Nous avions besoin d’une solution fiable. »
Pour tenter de répondre à ces préoccupations, un autre groupe d’ingénieurs du HCR – ayant l’expérience des opérations de distribution d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) dans de nombreuses crises de réfugiés à travers le monde – a recherché un moyen innovant de contrôler les livraisons d’eau par camion-citerne.
« Nous avions besoin d’une solution fiable, peu coûteuse et pouvant être appliquée dans des situations d’urgence dans certains des environnements opérationnels les plus difficiles du monde », a expliqué Ben Harvey, consultant WASH du HCR.
La nouvelle solution qu’ils ont trouvée est désormais utilisée avec succès au sein de camps de réfugiés et de déplacés internes dans cinq pays différents et, le 24 septembre, la Commission européenne a annoncé qu’elle avait remporté un prestigieux prix d’un million d’euros pour les nouvelles technologies.
Pour créer le système, l’équipe a examiné une série de solutions possibles avant de passer en revue les technologies utilisées dans l’industrie pétrolière et de les appliquer au secteur de la distribution d’eau.
Le système utilise une série de capteurs ultrason en réseau pour relever le niveau d’eau, qui sont installés dans les cuves des camions-citerne ainsi qu’à l’intérieur des réservoirs d’eau statiques dans les camps de réfugiés, pour fournir des données en temps réel sur les approvisionnements et la consommation d’eau. Il est basé sur « l’Internet des objets » – des objets physiques équipés de capteurs pour les connecter et échanger des données sur Internet.
Ces dispositifs, qui coûtent environ 50 euros chacun, envoient leurs relevés à une passerelle centrale semblable à un mât de téléphonie mobile. Les passerelles ont une portée de 30 kilomètres et peuvent collecter des données provenant de 20 000 capteurs individuels, ce qui signifie qu’une seule passerelle peut couvrir tous les réservoirs d’eau et les camions-citerne desservant une installation de réfugiés.
Les données sont ensuite transmises à un tableau de bord en ligne qui rassemble les informations provenant de toutes les passerelles actives dans un pays ou une région, permettant à David Githiri et ses collègues d’observer en temps réel la quantité d’eau livrée et consommée à travers tout le pays.
« Les réfugiés sont plus heureux. »
« Cela a permis d’améliorer la prestation de services et de réduire les pénuries, car nous sommes facilement en mesure de surveiller les livraisons et la consommation et de remédier aux pénuries potentielles avant qu’elles ne se produisent », a déclaré David Githiri. « Les réfugiés sont plus heureux car ils bénéficient des services quand ils en ont besoin en ce qui concerne l’approvisionnement en eau. »
Fournir aux réfugiés un approvisionnement fiable et facilement accessible en eau propre est essentiel non seulement pour préserver leur santé, mais aussi pour éviter les risques en matière de protection. Il a été démontré que les longues distances à parcourir pour se rendre aux points d’eau exposent les femmes et les jeunes filles à des risques de violence sexuelle et privent les enfants d’éducation.
Au cours de la phase pilote du projet, la technologie a déjà été installée, en plus de l’Ouganda, dans des camps en Irak, au Rwanda, en Tanzanie et au Kenya, et devrait être déployée dans la plus vaste installation de réfugiés au monde, au Bangladesh, d’ici la fin de l’année 2020.
Outre la surveillance de l’approvisionnement en eau dans les camps et installations, le système sera également installé dans des puits de forage pour surveiller l’impact du pompage sur les nappes d’eau souterraines, afin d’atténuer l’impact environnemental négatif de l’extraction. Des capteurs seront également installés pour mesurer la qualité de l’eau, les débits et la pression dans les réseaux de distribution. Cela aidera le HCR à assurer une distribution équitable de l’eau dans les camps et à garantir un fonctionnement efficace des systèmes.
« L’innovation peut nous aider à améliorer l’aide et à la rendre plus efficace. »
Cette initiative du HCR compte parmi cinq lauréats du prix EIC Horizon de la Commission européenne pour la haute technologie abordable dans le domaine de l’aide humanitaire, remportant le prix dans la catégorie eau, assainissement et hygiène.
En annonçant le prix, Mariya Gabriel, Commissaire européenne chargée de l’innovation, de la recherche, de la culture, de l’éducation et de la jeunesse, a déclaré : « Ces innovations montrent clairement comment des technologies physiques telles que les capteurs, les panneaux solaires ou la fabrication d’additifs peuvent être combinées avec des technologies numériques pour aider les personnes en ayant désespérément besoin, leur donner les moyens d’agir et améliorer leur résilience. Je suis très heureuse de décerner ce prix à la fois à des organisations humanitaires bien établies et à de jeunes entreprises innovantes qui se consacrent à améliorer la vie de ces personnes. »
Janez Lenarčič, Commissaire européen chargé de la gestion des crises, a ajouté : « L’innovation peut nous aider à fournir une aide meilleure et plus efficace aux personnes qui en ont le plus besoin. Les technologies reconnues aujourd’hui en sont la preuve. Il est encourageant de constater la grande diversité des acteurs et des nouveaux partenariats pour l’innovation, des jeunes entreprises aux organisations humanitaires existantes. J’espère que ce prix servira à soutenir l’adaptation et l’adoption à grande échelle de ces innovations dans le travail humanitaire à travers le monde. »
Parmi d’autres initiatives, le prix d’un million d’euros doit servir à étendre l’utilisation de la technologie à d’autres parties du monde où le HCR opère, et à financer des projets visant à examiner comment des systèmes similaires peuvent être appliqués à d’autres aspects des opérations humanitaires tels que le suivi de la consommation d’énergie et le respect de l’environnement.
« Nous sommes tous fiers que notre travail ait été reconnu, et nous sommes impatients d’allouer la dotation financière de ce prix pour trouver de nouvelles solutions aux problèmes des réfugiés et améliorer leurs conditions de vie », a conclu Ben Harvey.
Publié par le HCR, le 24 septembre 2020.