GENÈVE – Même si la pandémie de Covid-19 a « gravement éprouvé » les engagements internationaux à l’égard de la protection des réfugiés et des personnes déplacées, elle a également montré tout l’intérêt d’inclure les réfugiés dans les réponses nationales et les dispositifs de protection sociale pour le bien-être de tous, a déclaré ce jour Gillian Triggs, Haut Commissaire assistante du HCR chargée de la protection internationale.
De nombreux gouvernements à travers le monde ont fermé leurs frontières et limité le droit d’asile pour enrayer la propagation du coronavirus. Or, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés n’a pas cessé d’insister clairement sur le fait qu’il était possible de se protéger contre la pandémie tout en garantissant l’accès à des procédures d’asile équitables et rapides, a rappelé Gillian Triggs à la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR à Genève.
« La pandémie nous a montré l’importance de la collaboration, du partage des responsabilités et de la nécessité de s’assurer que les services sanitaires et sociaux répondent aux besoins de tous, et non de quelques-uns seulement », a indiqué Gillian Triggs. « Le virus ne fait pas la différence entre les différents statuts juridiques ou nationalités. L’accès aux services de santé ne dépend pas de la citoyenneté ou des conditions des visas. »
Ces valeurs d’inclusion et de solidarité avec les réfugiés et les personnes déplacées sont consacrées par le Pacte mondial sur les réfugiés, adopté par 181 gouvernements en 2018. Elles ont trouvé une traduction concrète en décembre 2019 au Forum mondial sur les réfugiés qui a réuni à Genève des États, des organisations de la société civile, des ONG, des réfugiés, des entreprises et d’autres acteurs qui ont pris 1400 engagements pour concrétiser la vision du Pacte mondial.
« Quelques semaines plus tard seulement… l’esprit et l’optimisme générés par le Pacte mondial et le Forum ont été profondément éprouvés par la pandémie de Covid-19 », a rappelé Gillian Triggs.
- Voir aussi : Gillian Triggs, du HCR, prévient que la pandémie de Covid-19 met à mal les efforts de protection des réfugiés
La pandémie a provoqué bon nombre de difficultés, occasionnant des revers nombreux pour la protection des réfugiés. Au plus fort de la crise, 168 pays avaient totalement ou partiellement fermé leurs frontières, 90 d’entre eux environ n’autorisant aucune exception pour les demandeurs d’asile. Certains ont refoulé des demandeurs d’asile, dont des enfants, jusqu’à leurs pays d’origine.
« Avec le recul de la pandémie – qui ne manquera pas de se produire – la priorité reste de rétablir le plein fonctionnement des systèmes d’asile et l’accès au territoire des pays pour tous les demandeurs d’asile. Les mesures de restriction à l’asile ne doivent pas être maintenues sous prétexte de protéger la santé publique », a insisté la Haut Commissaire assistante.
Outre les menaces pour la santé et l’accès à l’asile, la pandémie a également mis à mal les droits sociaux et économiques des réfugiés et des personnes déplacées. Les populations les plus vulnérables étant souvent dépendantes de l’économie informelle, ils ont été parmi les premiers à souffrir des conséquences économiques du confinement en perdant leurs emplois et en se faisant expulser de leurs logements.
Parallèlement, l’organisation Save the Children estime que les réfugiés – dont beaucoup sont des filles – représentent environ 40% des 9,7 millions d’enfants qui pourraient ne jamais retourner à l’école après avoir été contraints d’interrompre leur scolarité pendant la pandémie, ce qui annulerait des années de progrès visant à garantir une éducation aux jeunes filles.
La pandémie a également entraîné une réduction considérable des solutions durables au déplacement de longue durée.
Le nombre de réfugiés vulnérables réinstallés en sécurité dans de nouveaux pays a littéralement plongé pendant la pandémie. Pour la toute première fois, le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations ont dû suspendre les départs et le nombre global des réinstallations – qui est actuellement de moins de 12 000 contre 107 800 l’année dernière – devrait chuter à un niveau jamais atteint en 2020.
« Les collègues du HCR s’attachent à étudier toutes les possibilités de multiplier le nombre de places de réinstallation et d’autres moyens légaux », a promis Gillian Triggs.
La solution privilégiée par la plupart des réfugiés est de retourner dans leur pays d’origine lorsque les conditions le permettent. Dans de nombreuses crises prolongées par la persistance des conflits – notamment l’Afghanistan, la Syrie et le Myanmar – cette possibilité s’est révélée difficile, les rapatriements étant toujours périlleux. Toutefois, la pandémie a érigé des obstacles inédits au rapatriement volontaire.
« En cette époque de pandémie, certains États se sont montrés réticents à accueillir leurs propres ressortissants en dépit du droit de ces derniers à rentrer dans leur pays, un droit qui devrait être respecté », a rappelé Gillian Triggs.
Compte tenu du recul des possibilités de réinstallation et de rapatriement volontaire, il faut mettre davantage l’accent sur l’inclusion des réfugiés dans la vie de leurs pays d’accueil, y compris les services sociaux, les systèmes d’éducation et les marchés de l’emploi.
« L’avenir doit être un avenir d’inclusion. »
« De toute évidence, l’inclusion des réfugiés dans leurs pays hôtes implique que ces pays soient soutenus par la communauté internationale, surtout lorsque des réfugiés retournent vers des situations d’insécurité dues à la poursuite des conflits », a-t-elle ajouté.
Malgré les nombreuses difficultés posées par la pandémie, certains aspects de la réponse globale sont source d’optimisme et mettent en évidence de nouveaux outils et solutions pour s’attaquer aux futurs défis mondiaux tels que le changement climatique.
« La pandémie de Covid-19 nous a donné confiance dans les technologies numériques. Elles ont montré leur intérêt réel en favorisant l’accès à distance aux systèmes d’asile ainsi qu’aux services d’orientation et de conseil », a précisé Gillian Triggs. « Il n’y aura pas de retour en arrière. Le HCR pour sa part espère développer ces technologies, étendre leur implantation et élargir leur couverture en vue d’une meilleure efficacité de la protection internationale. »
« Les derniers mois nous ont aussi appris une autre leçon, à savoir que la pandémie nous touchera tous. Nous ne pouvons plus exclure des personnes sur la base de leur statut légal », a-t-elle conclu. « L’avenir doit être un avenir d’inclusion et de responsabilité partagée où toutes les personnes déplacées à travers le monde peuvent bénéficier… des droits sociaux et économiques. »
Consultez la base de données concernant l’impact de la pandémie sur les droits des réfugiés ici.
Publié par le HCR, le 7 octobre 2020.