BANGUI, République centrafricaine, 10 décembre (HCR)—Trois ans après le début de la vague actuelle de violence et de persécutions en République centrafricaine, l’insécurité et les violations des droits humains demeurent omniprésentes, et les minorités sont particulièrement touchées.
Sur la base des contrôles effectués par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), on estime à 6 000 le nombre de cas de violations des droits humains signalés au cours des 10 premiers mois de l’année. Il y aurait donc environ 20 incidents par jour, chacun impliquant une ou plusieurs personnes victimes de violence et de mauvais traitement, en ce compris une partie des 447 000 personnes déplacées au sein du pays.
Toutefois, les chiffres réels sont probablement bien plus élevés, mais de nombreuses régions restent inaccessibles pour le HCR et ses partenaires et de nombreuses victimes ne signalent pas les cas de violations de leurs droits. On estime que 70 pour cent des cas sont liés à des conflits et des représailles entre groupes armés.
En outre, plus de 60 000 cas de violence sexuelle et sexiste ont été enregistrés au cours de la même période par un groupe interinstitutions dirigé par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), dont environ 30 000 impliquaient des victimes de violence sexuelle, notamment de viol, soit 100 personnes par jour.
L’UNFPA surveille la situation dans 48 districts touchés par les conflits dans l’ensemble de la République centrafricaine. Le HCR et ses partenaires organisent des centres d’écoute, des projets de microcrédits et des cours d’alphabétisation afin d’aider les survivants de violence sexuelle et sexiste à reprendre le cours de leur vie. D’autres initiatives sont consacrées aux soins médicaux, à l’assistance juridique et aux interventions axées sur la communauté.
La situation des droits de l’homme s’était améliorée au cours de l’année, en particulier à Bangui et dans d’autres villes par rapport à la violence intercommunautaire qui avait explosé en décembre 2013 et avait fait 3 000 morts. À l’apogée de ces troubles, au début de 2014, plus de 930 000 personnes ont été déplacées dans le pays—et 450 000 le sont toujours aujourd’hui.
Mais les vagues de violence depuis la fin septembre ont fait près de 100 morts et plus de 70 000 personnes déplacées. Un homme a été tué dans le district PK5 de Bangui après la visite historique du Pape François la semaine dernière. Le Pape a visité un site pour personnes déplacées, rencontré des musulmans et des chrétiens et appelé à la réconciliation. Le HCR craint que cette vague de violence s’intensifie à l’approche des élections du 27 décembre.
Le HCR est également préoccupé par la situation de plus de 36 000 personnes dont le droit à la liberté de mouvement est bafoué dans sept enclaves urbaines comme le district PK5 de Bangui que le Pape François a visité. La situation des 26 000 personnes qui se trouvent dans le district de PK5, le seul endroit de Bangui qui abrite encore des communautés musulmanes, s’est dégradée depuis la vague de violence de septembre.
Dans l’incapacité d’aller et venir librement en toute sécurité, de gagner leur vie, de se rendre sur les marchés dans un district entouré par des gangs armés et les milices, mais protégés par les forces de maintien de la paix des Nations Unies, les habitants locaux disent qu’ils vivent une situation de siège depuis deux ans et ne peuvent plus le supporter. Ils se sentent isolés et ont demandé une aide humanitaire pour les personnes les plus vulnérables. Le HCR estime que le cantonnement forcé est une violation grave des droits de l’homme.
Les groupes minoritaires bloqués dans les enclaves comme le district PK5 devraient pouvoir jouir de leur liberté de mouvement comme d’autres citoyens. Le HCR estime qu’il faudrait mettre en place un couloir sécuritaire pour garantir la liberté de mouvement, ainsi que l’accès des travailleurs humanitaires.
Les observateurs disent qu’il convient de remédier d’urgence aux causes profondes de la situation, notamment l’absence d’un gouvernement fonctionnant efficacement et capable de garantir la protection des citoyens, de leur apporter de l’aide et de faire respecter l’état de droit dans l’ensemble du pays. Pour garantir une paix durable, il faudra également résoudre des problèmes comme la culture de l’impunité et le désarmement.
Le conflit a également eu des répercussions régionales, avec la présence de plus de 460 000 réfugiés de République centrafricaine au Cameroun, au Tchad, au Congo et en République démocratique du Congo. Ces chiffres comprennent notamment quelque 220 000 personnes qui ont fui depuis la vague de violence de 2013-2014. En attendant, plus de la moitié de la population (soit 2,7 millions) a toujours besoin d’aide humanitaire.
Par Dalia Al Achi à Bangui, République centrafricaine