Homme dans la foret brandissant une carte d'identité mexicaine.

Johan montre sa nouvelle carte d’identité mexicaine. Il a opté pour la naturalisation six ans après avoir fui le Honduras et commencé une nouvelle vie à Mexico. © UNHCR/Jeoffrey Guillemard

Pour Andrea et Johan, devenir citoyens mexicains signifie acquérir un sentiment d’appartenance au pays qui leur a apporté protection et stabilité

Par Mateo Privitera Torres, à Mexico, Mexique


Leurs chemins ne se sont jamais croisés. Ils ne se connaissent pas, et pourtant quelque chose relie Andrea et Johan : le moment le plus important de leur vie se trouve être le même. C’est le moment où ils ont entendu les mots : « À partir d’aujourd’hui, vous êtes officiellement citoyen(ne) mexicain(ne). » Quelques années seulement après avoir fui leur pays, ils tenaient tous deux dans leur main une carte d’identité mexicaine.


Andrea, 29 ans, se souvient encore très bien de la nuit où, il y a six ans, elle a frappé à la porte d’un refuge à Mexico, après avoir fui le Venezuela en raison de la détérioration de la situation socio-économique et humanitaire dans ce pays. Elle portait un petit sac à dos contenant “toute sa vie”.

“C’est le moment qui m’a le plus marquée parce qu’en cinq minutes, j’ai vu toute ma vie défiler”, dit-elle.

À l’époque, Johan, 35 ans, était constamment harcelé et menacé par des groupes criminels dans sa ville natale du Honduras. Depuis son enfance, les gangs avaient essayé de le recruter de force. À l’âge adulte, les intimidations n’ont pas cessé. Johan travaillait comme chauffeur pour un restaurant chinois, mais il lui était presque impossible de se déplacer dans la ville pour livrer des fournitures aux différentes succursales. Où qu’il aille, il devait payer les gangs pour passer : “Vous payez des impôts au gouvernement et vous payez aussi les gangs, soi-disant pour la protection”, explique-t-il.

Un jour, il y a un peu plus de cinq ans, Johan n’avait plus d’argent pour payer et s’est fait tirer dessus. Malgré sa blessure, il a compris qu’il n’avait pas d’autre choix que de s’enfuir le soir même. “Ma vie était en danger à cause des gangs. Honnêtement, si vous ne payez pas, ils vous tuent. C’est aussi simple que cela.

Johan a rejoint d’autres demandeurs d’asile et migrants qui partaient du Honduras et se dirigeaient vers le nord. Après une journée de voyage, il s’est séparé des autres et a poursuivi son chemin seul. Une fois arrivé à Mexico, il a vécu dans un refuge pendant trois mois jusqu’à ce qu’il trouve un emploi et un logement à louer. Bien qu’il ait initialement prévu de se rendre aux États-Unis, il a décidé de rester au Mexique et d’y demander l’asile.

Créer des solutions à long terme pour les réfugiés

Ces dernières années, le Mexique est devenu un pays de destination pour les personnes ayant besoin de protection internationale. Le pays a reçu un nombre record de 140 000 demandes d’asile en 2023, ce qui le place parmi les cinq pays ayant reçu le plus grand nombre de demandes d’asile dans le monde.

Le Mexique permet aux personnes étrangères – y compris les réfugiés – de demander la naturalisation mexicaine après cinq ans de résidence, et après seulement deux ans pour les citoyens des pays d’Amérique latine. La citoyenneté donne accès aux documents d’identité, au droit de vote et à la liberté de voyager dans d’autres pays, mais elle signifie aussi l’appartenance dénalifinitive au pays et la possibilité d’y établir des racines profondes.

La législation incarne l’esprit de protection et de solutions à long terme pour les réfugiés établi dans la Déclaration de Carthagène de 1984, qui célèbre son 40e anniversaire en 2024.

  • Voir aussi : Suite à une mission de haut niveau, le HCR reconnaît la réponse de l’Amérique centrale et du Mexique aux déplacements de population

Le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, travaille en étroite collaboration avec les autorités mexicaines pour permettre aux réfugiés d’accéder à la citoyenneté. En 2022 et 2023, le HCR et ses partenaires ont soutenu près de 800 réfugiés dans leur processus de naturalisation, dont Andrea et Johan.

“J’avais un rêve, celui d’être mexicaine, et j’ai pu le réaliser”.

Andrea

Femme en chemise rose boutonnée adossée à un mur de ciment.

Andrea vit au Mexique depuis qu’elle a fui le Venezuela il y a sept ans. © UNHCR/Jeoffrey Guillemard

“Ce jour-là, j’ai pleuré d’émotion”, raconte Andrea à propos de l’annonce de son éligibilité à la naturalisation. “J’avais le rêve d’être mexicaine et j’ai pu le réaliser. C’était la dernière étape à franchir pour établir ma vie ici.

À l’époque, Andrea vivait à Aguascalientes, dans le centre du Mexique, et travaillait dans le service de télémarketing d’une multinationale de boissons. Elle avait pu terminer ses études universitaires au Mexique grâce à une bourse qu’elle avait reçue avec l’aide du HCR. Grâce à la naturalisation, elle a enfin pu accéder aux services bancaires, notamment aux cartes de crédit et aux prêts.

Pendant son temps libre, Andrea a deux passions : être une influenceuse alimentaire sur les médias sociaux pour promouvoir les entreprises locales et faire du bénévolat dans un refuge animalier local pour trouver des foyers pour les chiens abandonnés, dont trois qu’elle a elle-même recueillis. “Je me sens épanouie parce qu’ils sont aussi des réfugiés d’une manière ou d’une autre”, dit-elle. “Ce que j’ai vécu, je ne veux pas que les chiots le vivent. C’est ma façon de rendre la pareille”.

“Je suis très fier d’être mexicain.”

Johan

Un homme avec une veste à capuche rouge s'appuie sur une clôture en pierre. Il est devant des fenêtres. Il y a des plantes à côté de lui.

Johan rêve de poursuivre ses études et d’acheter une maison au Mexique. © UNHCR/Jeoffrey Guillemard

À Mexico, Johan a également trouvé un emploi stable dans un grand magasin. “J’ai pleuré de bonheur”, se souvient-il du jour où il a reçu ses documents. “Au Mexique, on dit toujours qu’un Mexicain naît là où il veut naître. Je suis très fier d’être mexicain, mais bien sûr, personne ne peut m’enlever mes racines”.

Après avoir reçu ses papiers, il a pu terminer ses études secondaires, ce qui lui permettra de trouver de meilleures opportunités d’emploi et peut-être de poursuivre des études universitaires en génie civil. Johan aime le football et est maintenant un fan du Club America, une équipe de football mexicaine populaire. C’est devenu une passion qu’il partage avec ses amis au travail.

Les chemins d’Andrea et de Johan ne se sont peut-être jamais croisés, mais leurs histoires sont restées liées par un rêve commun : acheter une maison dans le pays qu’ils appellent le leur.

Publié par le UNHCR 26 Avril 2024.

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