Une femme est assise sur un tapis à motifs, tenant un enfant dans ses bras tandis qu'une personne hors champ lui en passe un autre. Deux enfants plus âgés sont assis avec elle.

Mwamini, 39 ans, et quatre de ses enfants dans leur abri dans le site de déplacement de Bushagara, près de Goma, en République démocratique du Congo. © HCR/Guerchom Ndebo

En République démocratique du Congo (RDC), la détérioration de la situation humanitaire met à rude épreuve la résilience des personnes déplacées et la générosité des communautés qui les accueillent


A 9 heures du matin, la journée d’Odette Mubungu, 44 ans, a débuté depuis bien longtemps. Tout en rangeant son abri, elle s’arrête de temps en temps pour surveiller la cuisson des haricots qui mijotent dans une grande marmite noircie par la fumée du feu de bois. « C’est le repas du jour », confie-t-elle, souriante. « Habituellement, nous accompagnons les haricots de pâte de maïs mais aujourd’hui nous nous contenterons simplement des haricots », ajoute-t-elle.


Originaire de Saké, à une vingtaine de kilomètres plus à l’ouest, Odette et ses 9 enfants ont récemment rejoint le site pour personnes déplacées de Lushagala extension en périphérie de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à l’est de la RDC. Ce site qui s’étend à perte de vue accueille plus de 36 500 familles qui ont dû fuir leurs foyers pour échapper aux attaques récurrentes des groupes armés qui se sont intensifiés ces derniers mois.

« Nous avons été réveillés en plein milieu de la nuit par des détonations. Des tirs provenant d’une colline avoisinante ont semé la panique. Nous avons fui dans la précipitation », se souvient Odette. « Le matin suivant, nous avons vu de nombreux corps sans vie. C’est à ce moment que nous avons réalisé que nous ne pouvions pas retourner chez nous. Nous avons marché pendant deux jours pour atteindre le site de Lushagala, tristes d’avoir perdu des proches mais heureux de pouvoir bénéficier d’une relative sécurité ».

La RDC est en proie à un conflit complexe et persistant qui a entraîné d’importants déplacements de civils. Le pays compte actuellement plus de 6,4 millions de personnes déplacées et accueille plus de 525 000 réfugiés et demandeurs d’asile provenant principalement de la République centrafricaine, du Soudan du Sud, du Rwanda et du Burundi.

Ces déplacements massifs et récurrents dégradent davantage une situation humanitaire déjà fragile et exercent une pression supplémentaire sur les maigres ressources disponibles.

L’histoire d’Odette ressemble à celle de nombreuses autres personnes contraintes de fuir la violence dans la région. Au cours du seul premier semestre 2024, près d’un million de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, certaines à plusieurs reprises. Bien que certaines soient généreusement accueillies au sein de familles à Goma et ses environs, la majorité d’entre elles se retrouvent dans des sites spontanés ou des sites d’accueil surpeuplés et doivent faire face à des problèmes de protection et à une assistance limitée.

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L’accès aux ressources essentielles telles que la nourriture, les abris et les soins de santé reste critique. La flambée des prix de certaines denrées alimentaires et les effets dévastateurs des épidémies successives dans la région sont autant d’épreuves qui pèsent sur la résilience des personnes déplacées et sur la générosité des communautés qui les accueillent.

Autre défi, celui lié aux violences sexuelles et sexistes auxquelles sont exposées les femmes et les jeunes filles, contraintes dans bien de cas de recourir à la prostitution comme moyen de survie. Selon des données recueillies par les acteurs de la lutte contre les violences basées sur le genre en RDC, dans la seule province du Nord-Kivu, ces violences ont été signalées en plus grand nombre au cours du premier semestre de l’année 2024 (27 328) qu’au cours de la même période en 2023 (20 771). Les viols constituent 63 % des cas recensés. Ces chiffres sont sans doute sous-évalués, la plupart des incidents n’étant pas signalés.

Lutte pour la survie

Pour faire face à tous ces défis et subvenir aux besoins de sa famille, Odette travaille dur et doit faire preuve de créativité. Grâce à un programme d’autonomisation dont elle a bénéficié, elle a ouvert une petite boutique ainsi qu’une buvette attenante à son abri. « Avant, la vie était belle parce que nous pouvions cultiver nos terres et produire de quoi nous nourrir mais maintenant nous devons nous battre avec des ressources limitées », souligne-t-elle. « Ces petites activités me permettent de gagner dignement de quoi répondre aux besoins essentiels de ma famille. Ce n’est pas assez mais c’est mieux que rien ».

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Odette range les stocks de la petite boutique et du bar qu'elle tient dans le site de Lushagala Extension. © HCR/Guerchom Ndebo
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Odette aide ses enfants à se laver les mains dans le refuge familial avant de prendre leur repas. © HCR/Guerchom Ndebo
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Odette cuisine sur un feu de bois devant l'abri de sa famille. © HCR/Guerchom Ndebo

Avec ses cinq enfants, dont un nourrisson, Mwamini Sebororo, 38 ans, a parcouru à pied les 93 kilomètres qui séparent son village d’origine du site de Bushagara, également proche de la ville de Goma. « Nous avons marché pendant deux semaines, passant la nuit à la belle étoile sur le bord de la route », confie-t-elle. « Nous avons dû mendier de la nourriture et de l’eau pendant tout le trajet », ajoute-t-elle.

Soulagée d’avoir atteint le site, la mère de famille ne cache pas pour autant son inquiétude pour l’avenir. Elle s’inquiète notamment pour l’avenir de ses enfants qui ne peuvent plus aller à l’école, mais revient rapidement à un besoin plus élémentaire, celui de manger. « La vie dans le camp n’est pas convenable. Oui, elle est plus sûre parce que nous n’entendons plus de coups de feu. Nous ne vivons plus dans une peur permanente. Ce dont nous avons le plus besoin maintenant, c’est un toit sur la tête et de la nourriture. J’allaite actuellement mais je n’ai pas pris de petit déjeuner ce matin par exemple ».

Regagner son foyer, un rêve lointain

Face à la détérioration de la situation humanitaire dans la région, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et d’autres organisations humanitaires continuent à fournir une aide vitale. Cependant, les niveaux de financement de la réponse humanitaire à cette crise ne permettent pas de répondre aux besoins qui augmentent de façon exponentielle. Fin octobre 2024, le HCR n’avait reçu que 40 % des 250 millions de dollars nécessaires pour répondre aux besoins des personnes déplacées de force en RDC.

Voir aussi : Le HCR alerte sur l’aggravation de la situation humanitaire en RD Congo

« Ce que nous souhaitons, c’est que les autorités mettent fin à ces combats, afin que nous puissions rentrer chez nous », martèle Mwamini Sebororo. Comme elle, les personnes déplacées dans l’est de la République démocratique du Congo s’accordent sur la nécessité d’un retour à une paix durable qui leur permettrait de rentrer chez eux et de reprendre leurs activités.

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Mwamini Sebororo à la fenêtre de son abri dans le site pour personnes déplacées de Bushagara, près de Goma, en République démocratique du Congo. O HCR/Guerchom Ndebo
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Mwamini arpente les allées du site pour personnes déplacées de Bushagara en compagnie de quatre de ses enfants. © HCR/Guerchom Ndebo

Retrouver sa maison et reprendre ses projets où ils se sont arrêtés, c’est aussi le rêve d’Odette. « Avant de fuir, nous avions l’intention d’agrandir notre maison, afin d’offrir un cadre de vie épanouissant à nos enfants », confie-t-elle.

Mais en attendant, elle se prend souvent à rêver d’une discussion avec les belligérants à l’origine de son malheur. « Si j’avais l’occasion de leur parler, je leur demanderais s’ils se rendent vraiment compte de l’ampleur des souffrances causées par ce conflit. »

« Je leur demanderais de revenir à la raison et d’arrêter », conclut-elle.

Publie par le HCR, le 21 novembre 2024.

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