Pour de nombreux Latino-Américains qui ont été contraints de fuir leur foyer, le football est un exutoire bienvenu, un point d’ancrage au milieu des bouleversements qu’ils subissent alors qu’ils cherchent à s’adapter à leur nouvelle vie dans les pays d’accueil de la région.
« Pour nous, le football est important car il nous maintient actifs et nous donne l’occasion de partager des bons moments, d’interagir et de rencontrer d’autres personnes, et donc de nous épanouir en tant qu’êtres humains », explique Jaider*, un jeune homme de 18 ans originaire de la région côtière pacifique du Chocó, en Colombie, où le conflit entre les guérilleros, le gouvernement et les groupes paramilitaires alimente les déplacements forcés de population depuis des décennies.
Jaider et sa famille ont été déplacés deux fois, une fois lorsqu’il était enfant et une autre fois il y a deux ans. Depuis, il s’est tourné vers « Vení Jugá », un projet qui vise à intégrer les enfants et les adolescents déplacés à Quibdó, la capitale de la région du Chocó, par le biais du sport et d’un soutien psychosocial. « C’est [le football] un moyen de me distraire. Il me permet de me vider l’esprit et de renforcer les amitiés », a-t-il déclaré.
Dans le pays voisin, l’Équateur, un entraîneur d’un village indigène isolé et une jeune photographe en herbe issue d’une famille passionnée de football comptent parmi les participants au projet Goal Click.
Johanna Yánez, 16 ans, a passé une grande partie de son enfance sur les terrains de football. Élevée par son père, passionné de football, elle a joué arrière dans une équipe de jeunes dans sa ville natale, Caracas, la capitale vénézuélienne, jusqu’à ce que sa famille ne soit contrainte de fuir pour se réfugier en Équateur. Alors qu’elle souhaitait absolument poursuivre sa carrière de footballeuse dans son pays d’accueil, une blessure a mis un frein à ses ambitions sportives. Mais Goal Click lui a permis de conserver ce lien avec le sport, tout en cultivant une autre passion : la photographie.
« À travers ces photos, je voulais montrer à quel point le football est important pour mon père et mon petit frère », explique Johanna, qui prend part à une initiative soutenue par le HCR et une organisation locale appelée FUDELA, qui promeut la cohésion entre les réfugiés et les membres des communautés d’accueil par le biais du sport. « J’ai grandi avec le football, et toute ma famille pratique ce sport. C’est pour nous un moyen de nous détendre. »
Pour Nixon García, l’entraîneur de 23 ans d’une équipe de football à El Chical, une petite ville située à la frontière nord de l’Équateur avec la Colombie, le football est essentiel pour favoriser la paix et l’harmonie au sein de sa communauté. Traditionnellement habitée par le peuple autochtone Awa, El Chical a récemment connu un afflux de personnes fuyant le conflit armé en Colombie. L’évolution démographique, ainsi que la présence de groupes armés dans la région, ont eu des répercussions sur les habitants du village.
« Grâce au football, les jeunes découvrent la camaraderie, le travail d’équipe et l’amitié. »
« Les questions sociales sont complexes lorsque vous vivez dans une zone frontalière où opèrent des groupes armés irréguliers », explique Nixon. « Nous devons intervenir auprès des enfants, des jeunes et des parents pour continuer à les motiver à participer à nos activités communautaires et à contribuer à la construction de la paix. »
« Grâce au football, les jeunes découvrent la camaraderie, le travail d’équipe et l’amitié », ajoute-t-il. « Tout en enseignant la technique footballistique, nous faisons également la promotion de certaines valeurs comme la responsabilité. »
Au Venezuela, le HCR soutient des initiatives liées au football dans le cadre de sa stratégie de protection communautaire, visant à contribuer à la prévention des déplacements forcés en soutenant les personnes les plus vulnérables. Parmi les participants au projet Goal Click au Venezuela figure Tibisay Vegas Saltarín, une femme de 32 ans qui prend part aux matchs de football organisés par le « Réseau des femmes Malala », une organisation de la région du Grand Caracas qui identifie les résidents vulnérables et les oriente vers le HCR et ses organisations partenaires pour qu’ils leur viennent en aide. Tibisay travaille également pour le réseau en tant que bénévole.
Elle s’est mise au football après le décès de sa mère, pour essayer de se remettre de ce deuil.
« Des voisins… m’ont invitée à jouer pour me pousser à essayer quelque chose de différent. Avec d’autres jeunes femmes de la communauté… nous avons ensuite formé une équipe de football féminine. Nous avons ainsi envoyé un message clair à la société : le football n’est pas réservé aux hommes, les femmes peuvent aussi jouer au football et y exceller », a-t-elle déclaré.
« Lors de nos entraînements, nos enfants sont présents, car nous sommes toutes des mamans. En jouant au football, nous donnons un exemple à nos enfants en leur montrant que faire du sport est quelque chose de positif, qui peut vous apporter beaucoup », déclare Tibisay.
« Pour moi, le football, c’est la vie… C’est la vie et c’est aussi de la discipline. »
Avec les contributions de Catalina Betancur à Quibdó (Colombie), Jaime Giménez à Quito (Équateur) et Claudia Uribe à Caracas (Venezuela).
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Publie par le HCR, le 24 novembre 2022.