Depuis février 2021, environ 440 000 personnes forcées de fuir leurs foyers ont cherché refuge ailleurs dans le pays, fuyant souvent à plusieurs reprises.
Par Reuben Lim Wende et Yin Yin Myint au Myanmar
Anna Ruth* se souvient parfaitement du jour où son mari a été tué alors que sa famille tentait d’échapper à des tirs pour la deuxième fois en moins d’un an.
Lorsque les combats entre les forces armées du Myanmar et d’autres groupes armés ont atteint le village où ils s’étaient réfugiés près de Loikaw, la capitale de l’État de Kayah, dans le sud-est du Myanmar, elle et sa famille ont fui avec d’autres villageois pour se cacher dans la forêt voisine. Mais son mari et certains de leurs voisins ont voulu y retourner pour rassembler de la nourriture et d’autres produits de première nécessité.
« Je lui ai dit de ne pas y aller car c’était trop dangereux, mais il n’a pas écouté », se souvient-elle. « Dans la soirée, le groupe est revenu, mais pas mon mari. J’ai appris plus tard qu’il avait été abattu alors qu’il récupérait des affaires dans la maison de ma belle-mère où nous nous étions réfugiés. »
Dans l’État de Kayah, une crise humanitaire s’est installée depuis la reprise en mai 2021 du conflit armé. Six des sept cantons de l’État sont désormais touchés par des combats intenses et des dizaines de milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers. Certaines ont trouvé refuge dans des lieux de culte et des centres communautaires, tandis que d’autres se cachent dans la jungle.
Dans l’ensemble du Myanmar, des affrontements similaires entre les forces armées, les groupes ethniques et d’autres groupes armés locaux ont provoqué de nouveaux déplacements. Depuis la prise du pouvoir par les militaires le 1er février 2021, quelque 440 000 personnes ont été contraintes de fuir les frappes aériennes, les bombardements et les incendies de villages, dont plus de la moitié dans le sud-est du pays, les États de Kayah et Kayin étant les plus touchés.
- Voir aussi : Le HCR accroît son assistance aux personnes déplacées au Myanmar alors que le conflit s’intensifie
Anna Ruth et sa famille, comme beaucoup d’autres dans l’État de Kayah, ont été déplacées plusieurs fois. « Nous sommes en fuite depuis juin 2021 », explique-t-elle. « D’abord de notre village dans le canton de Demoso vers celui de ma belle-mère dans le canton de Loikaw, puis de là vers la forêt où nous sommes restés pendant des mois. »
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Désormais veuve avec quatre jeunes enfants à charge, elle a fini par se mettre à l’abri dans un autre village du canton de Loikaw, avant d’être à nouveau déplacée quelques semaines plus tard lorsque les combats se sont intensifiés dans l’État de Kayah le mois dernier. Cherchant désespérément la sécurité et ne sachant pas où aller, Anna Ruth a suivi d’autres familles déplacées vers l’État voisin de Shan.
« J’ai tout perdu, sauf mes enfants »
« Je n’avais jamais imaginé que cela m’arriverait un jour. Avant, ma famille vivait heureuse dans notre village. Maintenant, j’ai tout perdu, sauf mes enfants », déplore-t-elle.
Ils sont actuellement hébergés dans un monastère où, comme dans toutes les autres régions du Myanmar, la communauté et les organisations caritatives locales font preuve de solidarité et pilotent la réponse humanitaire. Malgré tous leurs efforts, les ressources disponibles sont de moins en moins suffisantes pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes déplacées.
Le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille avec des partenaires et les communautés locales pour alléger cette pression et compléter les efforts d’aide au niveau local afin de venir en aide à quelque 30 000 personnes qui sont arrivées dans l’État de Shan depuis l’État de Kayah depuis le début de l’année. L’agence a établi une base temporaire à Taunggyi, capitale de l’État de Shan, afin de coordonner la distribution de l’aide d’urgence dans la région et de pallier les pénuries de fournitures ménagères basiques et de vêtements.
Au cours des dernières semaines, quelque 10 000 personnes déplacées de Kayah, réparties dans plusieurs communes de l’État de Shan, ont reçu des couvertures, des ustensiles de cuisine, des moustiquaires, des bidons, des seaux, des matelas, des bâches et des kits de préparation à l’hiver. Des personnes de bonne volonté locales ont également fourni des articles tels que des brosses à dents, du savon et du shampoing.
Arrivée avec peu de biens, Anna Ruth est reconnaissante de l’aide fournie. « Au début, nous n’étions pas sûrs de vouloir nous abriter au monastère bouddhiste car nous sommes chrétiens », explique-t-elle. « Mais les moines nous ont tous chaleureusement accueillis. Maintenant, nous vivons en harmonie avec d’autres personnes déplacées. Les couvertures, les seaux, les nattes et les vêtements fournis nous sont très utiles car je n’ai pu emporter que quelques vêtements de mes enfants. »
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Le conflit en cours dans l’État de Kayah ne montrant aucun signe d’apaisement, de nouveaux déplacements vers l’État de Shan sont attendus dans les semaines, voire les mois à venir.
Bien que soulagée d’avoir trouvé un lieu de refuge, Anna Ruth aspire à retourner dans son État natal de Kayah. « Mes enfants ne cessent de demander quand ils pourront rentrer chez eux. Nous espérons pouvoir rentrer bientôt. »
*Les noms ont été changés pour des raisons de protection.
Publié par la HCR, le 11 février 2022