Sans accès au travail ni aux études, les femmes déplacées craignent de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leur famille.
Sanam*, 18 ans, qui a suivi la formation l’année dernière, a dit avoir pleuré en apprenant la publication de ce décret.
« J’étais tellement, tellement triste et déçue », explique-t-elle. « La nuit, mes soucis m’empêchent de dormir. »
Sanam est la seule personne de sa famille à percevoir un revenu depuis la mort de son père. « J’étais tellement fière de pouvoir subvenir aux besoins de ma famille comme un homme. Et ma famille est également très fière de moi, que je puisse les soutenir en tant que fille », confie-t-elle.
Son revenu mensuel a déjà chuté de deux tiers depuis l’introduction des nouvelles restrictions et le renforcement des précédentes. « Cela devient difficile d’aller au marché. Je ne peux plus y aller tous les jours, et j’ai aussi besoin d’un mahram (un homme de la famille) avec moi. Il m’est donc plus difficile d’acheter des tissus pour mon travail et de vendre mes produits. Avant, je pouvais gagner environ 7 000 afghanis par mois (78 dollars), mais aujourd’hui je n’arrive qu’à en gagner environ 2 000 (22 dollars). »
Une autre femme, Shakoko, acquiesce. Cette mère de deux enfants, âgée de 26 ans, est également celle qui assure la subsistance de sa famille après le départ de son mari au Pakistan en quête de travail. « Je suis venue ici pour apprendre la couture, ce qui me permet d’avoir un petit revenu. »
« L’argent que je gagne me sert à payer mes traitements médicaux. Si je n’avais pas de travail, que pourrais-je faire ? Je ne pourrais pas faire vivre ma famille », dit-elle.
« Si je n’avais pas de travail, que pourrais-je faire ? »
Zinab, une formatrice du projet, décrit ce dernier comme étant une véritable planche de salut pour ces femmes, dont beaucoup assument désormais la charge de leur famille. Zinab est veuve. Elle a appris à coudre auprès de sa mère et compte sur son revenu de formatrice pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle explique que le projet offre un espace protégé à ces femmes et les aide à nouer des amitiés et à prendre confiance en elles.
De nombreuses femmes de cette communauté n’ont pas reçu d’éducation [formelle]. Elles n’ont pas d’autres possibilités de subvenir à leurs besoins.
« Je crains vraiment les conséquences de cette situation pour l’ensemble de la communauté », ajoute-t-elle. « Sans emploi, elles n’auront pas d’argent et ne pourront pas subvenir aux besoins de leur famille. Quel sera l’avenir de leurs enfants ? »
Depuis l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités de facto en août 2021, les jeunes filles n’ont plus accès à l’enseignement secondaire, et l’interdiction pour les femmes de fréquenter l’université a été annoncée en décembre.
La toute dernière directive interdisant aux femmes de travailler pour des ONG devrait avoir une incidence majeure sur l’acheminement de l’aide humanitaire, alors que la moitié de la population afghane est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë et que plus de 3 millions de personnes sont toujours déplacées.
- Voir aussi: Cinq choses à savoir au sujet de l’Afghanistan
Le HCR s’est joint à d’autres agences des Nations Unies et ONG pour demander l’annulation de cette directive.
« Empêcher les femmes de travailler dans le domaine humanitaire est un grave déni de leurs droits humains », a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. « Cela ne fera qu’entraîner davantage de souffrances et de difficultés pour tous les Afghans, en particulier les femmes et les enfants. »
Alors que les femmes quittent le centre, un homme âgé, chef communautaire, s’adresse aux employés du HCR, les exhortant à poursuivre le projet, malgré les nouveaux défis. « Nous sommes très heureux de l’existence du projet. A l’avenir, nous espérons que le HCR pourra former non pas 10 femmes, mais 100 femmes ici ! », dit-il.
*Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.
Publie par le HCR, le 18 janvier 2023.