Le HCR travaille en étroite collaboration avec les autorités du Bangladesh pour protéger les réfugiés rohingyas vulnérables contre les enlèvements et la traite des êtres humains dans le site de Kutupalong.
Lorsque Mohamed*, âgé de sept ans, a été enlevé dans le vaste site de réfugiés de Kutupalong, au sud-est du Bangladesh, Sara est partie à pied pour retrouver son fils.
« Je n’ai pas mangé de toute la semaine. J’ai marché partout dans le site à sa recherche. Je ne sentais plus mes jambes », raconte-t-elle.
Ce site de réfugiés est le plus vaste au monde. Il abrite environ 900 000 réfugiés rohingyas apatrides, dont la grande majorité a fui la répression militaire au Myanmar en août 2017.
Les dangers des enlèvements et de la traite des êtres humains sont relativement faibles, mais toutefois bien réels. Depuis début 2019, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires sont intervenus dans plus de 170 cas de disparitions, d’enlèvements et de séquestrations dans les sites de réfugiés, mais le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.
Les réfugiés rohingyas et les familles pauvres du Bangladesh sont également vulnérables à la traite des êtres humains. De nombreuses victimes de la traite des êtres humains finissent par être contraints au travail forcé, à la servitude domestique ou à la prostitution.
Terrifiée à l’idée de ne plus jamais revoir Mohamed, Sara a signalé sa disparition au HCR, qui est immédiatement entré en action.
« Je n’ai pas mangé de toute la semaine. J’ai marché dans tous les coins du site à sa recherche. »
Des volontaires d’assistance communautaire ont rendu visite à la famille dans l’immense installation d’abris en bambou et bâches de plastique et ont informé un avocat travaillant pour l’organisation partenaire du HCR, Technical Assistance Inc. (TAI), de ce qu’il se passait. Le fonctionnaire local et responsable du camp pour le gouvernement du Bangladesh a été informé et a contacté la police. Mohamed avait alors disparu depuis quatre jours.
Sara était convaincue que sa disparition était liée à une dispute avec la famille de son mari. Ahmed* avait quitté l’Etat de Rakhine au Myanmar à bord d’un chalutier en 2012 pour chercher du travail en Malaisie. Il était auparavant agriculteur mais ne pouvait pas subvenir aux besoins de sa famille en raison des restrictions imposées par le gouvernement sur les déplacements et l’accès au travail rémunéré. Il veut retrouver sa famille mais se heurte à des difficultés étant donné qu’il ne possède pas de papiers.
Sara est persuadée que sa belle-famille la soupçonne d’avoir économisé de l’argent qu’Ahmed lui avait envoyé pour s’occuper de leurs deux fils. Elle a dit à la police qu’ils l’avaient intimidée et qu’ils avaient enlevé son plus jeune fils, Mohamed, dans le but de lui extorquer de l’argent.
Lorsqu’elle a révélé ses soupçons à l’avocat et à la police, ils ont immédiatement interrogé son beau-frère et les autres membres de sa famille. Ils ont finalement appris que Mohamed était détenu dans une maison de la ville de Cox Bazar, à environ 90 minutes de route de Kutupalong.
Trois jours plus tard, la police l’a retrouvé ligoté mais indemne lors d’une perquisition. Il n’avait pas été suffisamment nourri depuis plusieurs jours. Une fois libéré, une psychologue de l’organisation partenaire TAI a pris en charge Mohamed et sa famille.
« Il était profondément traumatisé. Il ne voulait pas manger. Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour l’aider et avons parlé à sa famille. Je leur ai enseigné des techniques pouvant être appliquées au sein de la famille pour guérir d’un tel traumatisme. Il est maintenant de retour au centre d’apprentissage et il va beaucoup mieux », dit la psychologue, qui a demandé à ne pas être nommée.
Le responsable bangladais du site en charge de cette affaire a déclaré que les autorités s’occupent quotidiennement d’un large éventail de problèmes liés notamment à la violence domestique, à la violence sexuelle et sexiste, à la protection des enfants et à la disparition d’enfants.
« Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables. Dans toute situation d’urgence, les gens sont traumatisés. Des personnes mal intentionnées s’attaquent aux plus vulnérables et abusent de ceux qui n’ont pas d’instruction », explique-t-il. « Cependant, tout le monde fait partie intégrante de la réponse ici. Ce n’est pas facile, mais la coordination fonctionne bien. »
Sur les 170 personnes portées disparues depuis début 2019, 106 cas ont été résolus avec succès et 64 restent ouverts. Cependant, beaucoup ne sont probablement pas signalés dans le district de Cox Bazar, l’un des plus pauvres et des moins développés du Bangladesh, où les réseaux de trafiquants étaient solidement établis bien avant l’arrivée massive des réfugiés rohingyas, il y a deux ans.
« Des personnes mal intentionnées s’attaquent aux plus vulnérables et abusent de ceux qui n’ont pas d’éducation. »
En appui au Gouvernement du Bangladesh et en étroite collaboration avec ses partenaires, le HCR est chargé de veiller à ce que les réfugiés dont il a la charge soient en sécurité. En septembre, le HCR a contribué à la mise en place d’un groupe de travail sur la lutte contre la traite des êtres humains, qu’il dirige conjointement avec l’Organisation internationale pour les migrations, pour recenser et analyser les cas de traite et améliorer la coordination.
Le HCR travaille également avec des partenaires pour fournir divers services allant des conseils juridiques à la coordination des opérations de sauvetage, en passant par la représentation légale ou la médiation. Des campagnes de sensibilisation sont également menées au sein de la communauté pour améliorer la protection des réfugiés.
La promotion des mesures visant à protéger les réfugiés et leurs communautés hôtes, en garantissant leurs droits et l’accès à une procédure régulière, sera l’un des principaux points à l’agenda du Forum mondial sur les réfugiés – une conférence de haut niveau qui se tiendra les 17 et 18 décembre à Genève, et réunira, autour des gouvernements, des représentants du secteur privé, des organisations humanitaires et des agences de développement.
Pour sa part, Abdur Rahman, l’avocat qui s’est impliqué pour trouver et libérer Mohamed, est convaincu que la sensibilisation du public concernant les services juridiques disponibles dans les sites a un effet positif.
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« C’était pire avant, il y avait davantage de cas d’enlèvements. Maintenant, les gens apprennent peu à peu les règles de droit et les moyens légaux auxquels ils peuvent avoir recours. De plus en plus viennent chercher une aide juridique, ce qui réduit le nombre de cas d’enlèvement », dit-il. « On peut observer le changement de comportement, ce qui est le plus important. » Le HCR diffuse également ce type de messages à travers les sites.
Pour la mère de Mohamed, la réaction rapide des différentes autorités pour assurer sa recherche et son retour en toute sécurité a été essentielle.
« Je me suis évanouie quand je l’ai finalement revu – à cause de la douleur et du bonheur », dit Sara, qui remercie le HCR, les avocats et la police d’avoir cru à son histoire et d’avoir agi en conséquence.
« S’ils ne l’avaient pas fait, je ne sais pas où serait mon fils en ce moment. Je pense qu’ils l’auraient vendu parce que je n’ai pas l’argent pour payer ce qu’ils demandaient », ajoute-t-elle en serrant son fils dans ses bras.
*Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.
Publie par le HCR, le 2 décembre 2019