Quarante ans de conflit ont bloqué des millions d’Afghans en exil, mais Nadia aspire à rentrer chez elle – lorsque la paix sera rétablie et qu’elle aura les compétences médicales nécessaires pour prendre soin de son peuple.
Par Christopher Reardon
Comme beaucoup d’adolescents à travers le monde, Nadia Hamidi a des frissons en regardant des films d’horreur. « Fantômes, sang, gore – j’aime tout », dit-elle.
Le fait qu’elle y soit insensible pourrait s’avérer utile dans l’avenir. Aujourd’hui en tête de sa classe au lycée, elle rêve de devenir chirurgien – « pour aider ma famille et mon pays, pour les aider à aller mieux ».
A 17 ans, Nadia est née réfugiée. Ses parents ont fui l’Afghanistan il y a 40 ans, à l’époque de l’invasion soviétique. Depuis lors, la famille vit au Pakistan.
Nadia compte parmi quelque 2,7 millions d’Afghans enregistrés en tant que réfugiés à travers le monde. Leurs besoins, et ceux des communautés qui les accueillent, sont au centre d’une conférence de deux jours qui débute lundi à Islamabad, la capitale pakistanaise. Parmi les intervenants figurent le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, et le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi.
Depuis des décennies, le Pakistan et l’Iran – qui accueillent eux deux 90% des réfugiés afghans à travers le monde – permettent aux réfugiés de fréquenter les écoles publiques et d’accéder aux systèmes de santé nationaux. Cette conférence vise à susciter davantage de solidarité internationale et un meilleur appui envers ces efforts, ainsi qu’un soutien accru aux communautés d’accueil comme Quetta.
Nadia prévoit de retourner un jour en Afghanistan, mais pas tout de suite. Tout d’abord, dit-elle, son pays a besoin de paix. Et d’ici là, elle a l’intention d’étudier la médecine, afin de pouvoir l’aider à se reconstruire le moment venu.
« En Afghanistan, nous avons besoin de gens instruits », dit-elle. « Sans eux, nous ne nous améliorerons pas, et nous n’améliorerons pas notre pays. »
Ce week-end, Nadia et son père, Abdul Rashid, âgé d’un peu plus de 70 ans, ont pu rencontrer le Haut Commissaire lors de sa visite au Baloutchistan avant la conférence.
S’exprimant en anglais, une langue qu’elle a apprise en regardant la télévision, elle a évoqué son lycée, où elle est une élève modèle, ainsi que les cours d’informatique qu’elle suit à « Safe for the Start », un programme pour les femmes et les jeunes filles qui est soutenu par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Nadia sait que le chemin sera difficile, en tant que réfugiée et en tant que femme, mais elle ne se laisse pas effrayer. « Pour obtenir ce que je veux, je dois travailler dur », dit-elle. « Je dois oublier les difficultés car je veux devenir quelqu’un. »
« Pour obtenir ce que je veux, je dois travailler dur. »
A Quetta, le Haut Commissaire a également rencontré plusieurs groupes d’Afghans et de Pakistanais, dont des femmes des deux nations qui suivent ensemble des cours de fabrication de tapis, de broderie, de cuisine et de coiffure. Parmi les réfugiés, la soif de possibilités d’éducation, en particulier au niveau universitaire, a été un thème récurrent.
Au sujet du retour en Afghanistan, le principal obstacle est l’insécurité. « Je reçois une éducation pour pouvoir retourner en Afghanistan », a déclaré Mehbooba, une réfugiée de 19 ans qui est née ici. « Si la situation se stabilise, alors je rentrerai définitivement. »
Le fait que Nadia et Mehbooba soient déjà allées loin est un hommage à leurs familles et à l’éducation déjà reçue jusqu’à présent.
« Je tiens à féliciter le Pakistan pour ces efforts, qui sont toujours difficiles pour un pays d’asile », a déclaré Filippo Grandi, « et j’encourage vraiment la communauté internationale à faire davantage pour partager ce fardeau et cette responsabilité avec le peuple pakistanais. »
Le père de Nadia aimerait également retourner en Afghanistan, son pays d’origine qui lui manque beaucoup.
« Tout notre pays est beau », dit-il, reconnaissant d’avoir pu de rendre visite à son frère à Koundouz à quelques reprises ces dernières années. Mais la violence continue et les difficultés économiques l’ont empêché d’y rester longtemps. « Je n’ai pas les moyens de retourner m’installer dans cette région. Quand vous n’avez pas assez pour acheter de la nourriture, vous devez vous contenter d’un seul repas par jour. »
A Quetta, il peut au moins gagner sa vie. Chaque matin, il part avec un chariot de qabli – un plat afghan à base de riz, de poulet, de raisins secs et de cumin – pour le vendre dans la rue. Il rentre chez lui tard dans la soirée, fatigué par une hernie discale et un pied douloureux.
« C’est à Nadia de décider si elle veut devenir médecin », dit-il. « C’est son choix. Mais nous sommes heureux qu’elle devienne médecin pour qu’elle puisse construire sa propre vie. »
Il ajoute : « Je fais de mon mieux pour l’aider à faire avancer ses études. C’est une réussite pour nous deux. »
Pour l’instant, Nadia souhaite continuer à étudier et à travailler pour réaliser son rêve de devenir médecin. Mais l’idée de s’installer en Afghanistan n’est jamais loin de ses pensées.
« Si la paix est rétablie, il n’y a pas de plus bel endroit que votre propre pays », dit-elle.
Publie par le HCR, le 15 février 2020