A mother from Syria walks on a beach with her children

Des réfugiés syriens près du camp d’Azraq dans le nord de la Jordanie. Photo d’archives, mars 2016. © HCR/Annie Sakkab

Après avoir perdu son mari, son frère, puis son père dans le conflit en Syrie, Asmaa s’est inscrite en licence de droit en Jordanie avant de se voir offrir la possibilité de démarrer une nouvelle vie au Royaume-Uni.

Par Charlie Dunmore à Amman, Jordanie 


Âgée d’à peine 21 ans lors de sa fuite de Syrie en Jordanie en 2012, Asmaa, alors enceinte de son deuxième enfant, avait déjà été exposée à d’effroyables violences, à la disparition de son frère et à l’assassinat de son mari Noor dans le conflit qui a englouti son pays et transformé sa jeune existence en un champ de ruines.


Déjà effondrés par le chagrin et le déplacement forcé, Asmaa et les siens étaient réfugiés à Amman, la capitale jordanienne, lorsque la tragédie les a frappés de nouveau. Un bulletin télévisé consacré à la situation en Syrie a confirmé la mort de son frère Mohammad, âgé de 16 ans à peine, mais l’infortune ne s’est pas arrêtée là.

« [Mon père] a éteint la télévision, a pris ma mère dans ses bras et lui a dit : ‘Ne sois pas triste. Nous ne sommes pas les seuls à avoir perdu un proche’ », se rappelle Asmaa. « Et puis, il est tombé, foudroyé par une crise cardiaque. Nous avons appelé le 911 et ils sont venus, mais pour nous dire qu’il était mort. »

« Je voulais être une femme indépendante. »

Jeune veuve avec deux petits enfants à charge, Asmaa s’est tournée vers des œuvres caritatives locales et a commencé à chercher du travail pour s’en sortir. Certes elle a été aidée, mais elle a également souvent reçu des conseils malvenus.

« Très souvent, les gens me demandaient : ‘Pourquoi t’adresser à des œuvres caritatives, pourquoi veux-tu travailler ? Tu devrais te remarier et laisser ton mari s’occuper de toi’. Mais je ne voulais pas faire ça », dit-elle. « Je voulais trouver un travail, parce que je voulais être une femme indépendante. »

Consciente que les diplômes étaient la meilleure voie vers l’autonomie, Asmaa s’est inscrite pour passer ses examens de fin d’études secondaires qu’elle n’avait jamais pu passer et a pris des cours d’anglais au British Council à Amman. C’est là qu’elle a entendu parler d’un programme européen de bourses qui permettait d’étudier à distance via l’Open University du Royaume-Uni. Elle faisait partie des six personnes sélectionnées sur 150 inscrits et a choisi d’étudier le droit.

Aujourd’hui âgée de 29 ans et avec derrière elle trois ans d’études intenses, elle se prépare pour l’examen final qui se tiendra d’ici quelques mois. Mais la révision a récemment dû passer au second plan en raison d’un nouveau bouleversement de son existence.

« Ils auront un avenir meilleur. »

Compte tenu de leur niveau de vulnérabilité, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a considéré qu’Asmaa et les siens remplissaient les conditions requises pour une réinstallation dans un pays tiers. En fin d’année dernière, Asmaa et ses deux fils, ainsi que sa mère et son plus jeune frère, ont été acceptés pour une réinstallation au Royaume-Uni et iront sous peu s’établir dans le nord-est de l’Angleterre.

Asmaa sait que ce déménagement représente pour elle et ses fils la possibilité d’une nouvelle vie pour laquelle elle a travaillé extrêmement dur depuis son départ de Syrie.

« Ça a été un choc, mais j’étais si heureuse. Surtout parce que c’était le Royaume-Uni et que j’avais étudié le droit de ce pays », explique-t-elle. « Je pense que tout sera différent là-bas. J’aurai un meilleur emploi, je trouverai de bons amis. Et mes fils auront un avenir meilleur. »

« Les possibilités de travail et d’éducation sont limitées en Jordanie, mais on ne peut pas se plaindre parce qu’ils nous ont accueillis et nous ont donné autant que ce qu’ils pouvaient », poursuit Asmaa. « Les familles jordaniennes sont aujourd’hui confrontées elles aussi au même problème. »

Asmaa et sa famille compte parmi les 81 666 réfugiés proposés en 2019 par le HCR à 29 pays pour réinstallation, plus de 90 % des cas ayant été acceptés par différents États.

Au total, plus de 63 000 réfugiés ont été réinstallés l’an dernier selon des chiffres publiés mercredi, soit un dépassement de l’objectif fixé dans la Stratégie triennale pour la réinstallation et les voies complémentaires d’admission (2019-2021) (en anglais) adoptée au titre du Pacte mondial sur les réfugiés.

Malgré ces chiffres encourageants, le HCR estime qu’un total de 1,4 million de réfugiés vivant actuellement dans 65 pays hôtes a besoin d’une réinstallation, ce qui signifie que les cas proposés en 2019 ne représentent que 6 % des besoins d’ensemble. Selon les estimations actuelles, il semblerait par ailleurs que moins de 60 000 places de réinstallation soient mises à disposition en 2020, soit moins que les 70 000 prévus dans la Stratégie triennale.

« Je sais que si je travaille dur, je trouverai des occasions. »

Asmaa se dit consciente que sa famille compte parmi les plus chanceuses, celles à qui un nouveau démarrage est offert dans un nouveau pays, mais elle est déterminée à rembourser sa dette en travaillant dur dans son pays d’adoption. Son souci le plus urgent est de savoir comment elle va transporter sa pile d’ouvrages juridiques — presque aussi haute qu’elle — dont elle a besoin pour réviser en vue de ses derniers examens.

« Une fois que j’aurai passé ma licence, je pourrai trouver un emploi, être indépendante et gagner de l’argent par moi-même », dit-elle. « Je sais que si je travaille dur, je trouverai des occasions là-bas pour moi-même et pour mes enfants. Je ne veux pas être à la charge du gouvernement britannique. C’est déjà bien assez qu’ils m’aient accepté chez eux avec ma famille. »

Publie par le HCR, le 05 février 2020

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