La mise en place du confinement en raison de la crise de Covid-19 a fait payer un lourd tribut aux réfugiés, dont beaucoup avaient déjà du mal à joindre les deux bouts dans l’économie informelle avant l’arrivée de la pandémie.
Les affaires étaient bonnes au début de cette année pour Mariney Karemere, une réfugiée congolaise qui fabrique et vend des sacs à main à Kampala, la capitale ougandaise. Ses clients étaient les employés faisant leurs trajets quotidiens, désormais absents des marchés autrefois très animés, qui ont fermé à la suite d’une mesure gouvernementale visant à ralentir la propagation du coronavirus.
Mariney est passée d’un revenu de 27 dollars par semaine à aucun revenu depuis le début du confinement, il y a deux mois. Cette femme de 44 ans, mère célibataire de trois enfants, survit aujourd’hui grâce à la distribution de nourriture par une église communautaire.
« Actuellement, le plus grand souci des réfugiés est la faim », dit-elle. « Si nous sortons, nous risquons de contracter le coronavirus. Si nous restons à la maison, la faim nous tuera. C’est pire qu’une guerre. »
L’Ouganda a signalé son premier cas de Covid-19 en mars et a depuis enregistré plus de 260 cas. Les activités génératrices de revenus ont été perturbées par les restrictions de mouvement, la suspension des transports, les couvre-feux nocturnes et d’autres mesures préventives.
Les communautés vulnérables, y compris les réfugiés dont les revenus étaient déjà faibles, sont parmi les plus touchées par le ralentissement économique.
« Nos enfants ne vont pas à l’école et ils ne mangent qu’une fois par jour. »
L’Ouganda accueille 1,4 million de réfugiés – plus de 80 000 d’entre eux vivent et travaillent à Kampala où, en temps normal, ils subviennent à leurs besoins. Les réfugiés qui choisissent de vivre en dehors des zones d’installation désignées sont censés être autonomes et ne reçoivent pas d’aide humanitaire régulière, conformément à la politique du gouvernement en matière de réfugiés vivant en milieu urbain.
Aujourd’hui, de nombreux réfugiés en milieu urbain disent ne pas avoir les moyens de payer la nourriture et le loyer. Dans certains endroits, ils ont mobilisé des ressources pour aider les plus vulnérables d’entre eux.
Nujanama Nkomezi, un pasteur et marchand de poisson congolais, dont l’église distribue de la nourriture à certains réfugiés en milieu urbain, dit que tout le monde s’inquiète pour l’avenir.
« Pour l’instant, les propriétaires ne demandent pas de loyer, mais nous nous inquiétons de ce qui se passera après la levée du confinement », dit-il. « Comment allons-nous payer trois mois de loyer en une fois ? Nos enfants ne vont pas à l’école et ils ne mangent qu’une fois par jour. »
Le gouvernement distribue de la nourriture par le biais d’un programme de soutien aux ménages à faibles revenus, mais les besoins des communautés locales et des réfugiés augmentent.
Selon un rapport du Programme alimentaire mondial, environ la moitié d’un échantillon de 212 réfugiés à Kampala a perdu plus de 75% des revenu du ménage. La proportion de ménages sans revenus est passée de 31% avant la pandémie à 72% au moment de l’enquête.
En réponse à cette situation, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en Ouganda, fournira à titre exceptionnel une aide en espèces à tous les réfugiés et demandeurs d’asile vivant en milieu urbain et enregistrés à Kampala, afin de contribuer au paiement du loyer et des besoins ménagers essentiels, y compris le savon et les masques de protection.
Joel Boutroue, le représentant du HCR en Ouganda, a déclaré que le HCR recherchait 5,1 millions de dollars supplémentaires pour financer cette aide prévue afin de répondre aux besoins urgents des réfugiés en milieu urbain pour les trois prochains mois.
« Nous sommes confrontés à une situation extraordinaire où une urgence sanitaire se transforme rapidement en une crise humanitaire mondiale sans précédent », a déclaré Joel Boutroue.
Il a ajouté que cette crise d’urgence à plusieurs niveaux et les mesures de confinement qui en découlent risquent d’avoir des conséquences de grande ampleur sur tous les secteurs, en particulier sur les possibilités d’emploi.
La croissance économique mondiale sera probablement réduite de moitié par les perturbations dues à la pandémie de Covid-19, plongeant 40 à 60 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté dans le monde, selon les projections de l’Organisation de coopération économique et de la Banque mondiale.
Les personnes les plus touchées seront celles qui vivent déjà dans la précarité dans les pays à faible et moyen revenu, où résident actuellement plus de 85% des réfugiés dans le monde.
Publie par le HCR, le 26 mai 2020