Déplacés par les attaques en cours en zone de conflit dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu en RDC, de nombreuses familles Congolais vivent désormais dans des abris de fortune ou des logements temporaires.
Pour les personnes déplacées par le conflit incessant en République démocratique du Congo (RDC), les abris de fortune où elles vivent aujourd’hui sont loin des foyers qu’elles ont connus et aimés.
Divine, 21 ans, a fui son village avec ses proches dans le territoire de Djugu en Ituri, en février 2018. Elle partage une tente avec sept d’entre eux dans un site de déplacement à Bunia, la capitale provinciale de l’Ituri.
« Notre maison a été réduite en cendres », dit-elle. « Nous l’avons vue derrière nous alors que nous fuyions. »
João Sobral, un expert du HCR pour les abris travaillant en Ituri à l’époque, raconte : « Au bord du lac Albert, j’ai vu des villages où environ la moitié des maisons avaient été détruites. Mais dans d’autres villages, plus éloignés du lac, étaient entièrement détruits. Il ne restait plus rien, plus rien du tout ! »
Odette a dû fuir sa ville natale dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, il y a quelques années à cause de l’insécurité. Elle s’est d’abord installée à Oicha, dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, avec son mari et ses deux enfants.
« Nous avions une belle vie à Oicha », se souvient cette femme de 38 ans. « Nous avions notre propre maison. »
Mais la quiétude de la famille fut de courte durée. Deux ans plus tard, elle a été forcée d’abandonner à nouveau sa maison, après l’arrivée d’assaillants durant la nuit.
« Nous avons entendu des coups de feu et nous nous sommes enfuis, mais ils avaient tué mon mari », dit-elle. « Ils ont pillé notre maison et l’ont brûlée. »
La petite famille s’est ensuite installée dans la banlieue de Beni. Après un bref répit, la violence et l’insécurité ont repris le dessus et la famille a dû déménager une fois encore après une nouvelle attaque.
« Des hommes armés ont cassé les fenêtres de notre maison et ont commencé à couper la tête des gens du quartier. »
Comme Divine et Odette, environ 1,5 million de personnes ont vu leur maison endommagée ou incendiée et leurs biens pillés dans le contexte de la poursuite des violences en RDC.
« Des personnes forcées de fuir rapportent que des villages entiers ont été incendiés et rasés », a déclaré ce jour le porte-parole du HCR Charlie Yaxley dans un point de presse. Il a ajouté que dans les deux seules provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu touchées par le conflit, environ 88 000 habitations ont été détruites ou endommagées par le conflit.
« Des personnes forcées de fuir rapportent que des villages entiers ont été incendiés et rasés. »
C’est le résultat de la dernière d’une série d’évaluations effectuées cette année par le Groupe de travail sur les abris en RDC, dirigé par le HCR, auxquelles plusieurs organisations humanitaires ont fourni des données.
« Le logement est ce dont les gens ont besoin en priorité quand ils sont forcés de fuir leur maison », explique Sahdia Khan, Coordinatrice du HCR pour les abris à Kinshasa. « Cela signifie la sûreté et la sécurité des personnes déracinées. »
Souvent forcés de vivre dans des abris sans murs ni possibilité de verrouiller les portes, les déplacés risquent davantage d’être harcelés, agressés ou exploités. Les femmes et les enfants sont particulièrement exposés à la violence sexuelle et sexiste lorsqu’ils vivent dans des espaces exigus.
En Ituri, ces dernières semaines, des assaillants, souvent non identifiés, ont de nouveau attaqué des positions militaires et des civils. « Je me souviens de ces petits villages où tout avait disparu. Les attaquants avaient également détruit toutes les infrastructures. Les bâtiments scolaires, les dispensaires avaient disparu », ajoute João.
Dans la zone touchée par le virus Ebola près de Beni, au Nord-Kivu, plus de 1 300 cas de violations des droits de l’homme contre des civils ont été enregistrés, ces trois derniers mois, dont des attaques physiques, des tueries aveugles, des pillages et des enlèvements.
Outre la sécurité physique, le fait d’avoir un toit au-dessus de la tête procure également aux personnes déplacées la sécurité psychique et le confort.
« Un abri, c’est d’abord et avant tout une maison », explique Sahdia. « Avoir un endroit pour retourner dans leur famille à la fin de la journée donne de l’espoir aux personnes déplacées et un semblant de vie normale. »
Je veux rentrer, mais je n’ai pas les moyens de reconstruire ma maison.
Dans les situations d’urgence en RDC, le HCR fournit des matériaux tels que des bâches en plastique et des nattes qui peuvent être utilisés pour construire des abris simples. Le HCR soutient par ailleurs dans la mesure du possible une construction plus durable, en utilisant des matériaux de construction traditionnels. La remise en état des abris communaux ou la construction de nouvelles maisons est effectuée en fournissant les matériaux et les allocations en espèces nécessaires pour reconstruire les maisons dans le cadre de programmes d’auto-assistance.
Plus d’un million de Congolais sont devenus des déplacés internes en 2018. Pierre Mugisa compte parmi ceux qui attendent de retourner dans leur village ou leur ville d’origine, mais qui doivent attendre car la situation est encore instable.
« Nous sommes ici depuis presque six mois. Nos enfants ne vont plus à l’école », a déclaré Pierre en s’adressant au HCR plus tôt cette année, en montrant du doigt les centaines d’abris recouverts de bâches en plastique dans un site pour personnes déplacées à Bunia. « Chez nous, nos maisons ont été incendiées. Je veux rentrer, mais je n’ai pas les moyens de reconstruire ma maison. »
Le HCR estime qu’à peine une personne dans le besoin sur cinq recevra cette année une aide de base pour l’hébergement en raison d’un manque aigu de financement. Sur les 201 millions de dollars nécessaires aux opérations du HCR en RDC en 2018, seuls 46 pour cent ont été reçus.
Le retour à la maison semble également hors de portée pour Odette.
« J’aimerais retourner à Oicha, mais nous y avons vendu nos terres et l’insécurité y est très élevée », a-t-elle indiqué. « Ici, nous manquons de tout. La vie est difficile. »
Publié à l’origine par le HCR le 14 décembre 2018. Par Natalia Micevic à Goma et Farha Bhoyroo à Nairobi