De nombreux réfugiés et demandeurs d’asile en Libye ont besoin d’un soutien psychosocial après avoir vécu pendant des années dans un contexte de conflit et d’insécurité. Le HCR et son partenaire leur apportent une aide qui leur change la vie.
Par Caroline Gluck à Tripoli, Libye
La vie quotidienne à Tripoli, la capitale libyenne, n’a jamais été facile pour Yusra*, une réfugiée soudanaise de 32 ans et mère de quatre enfants. Elle travaille de longues heures en tant que femme de ménage pour subvenir aux besoins de sa famille, et elle dit être souvent victime de discrimination et de harcèlement.
Elle avait été pourtant au plus mal en novembre dernier. Un jour, son mari a été déposé au domicile familial, après avoir été trouvé ensanglanté et à moitié nu dans la rue. Il avait été torturé et détenu par des miliciens dans un centre de détention, avant d’être relâché avec des ecchymoses et des coupures sur tout le corps. Depuis, dit Yusra, il parle à peine et ne quitte presque jamais la maison.
Cette expérience a été terrifiante pour Yusra et elle vit désormais en permanence dans la crainte que toute sa famille soit en danger. A Tripoli, elle s’est adressée à un centre communautaire de jour géré par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, pour demander de l’aide.
« J’étais au plus bas mais, maintenant, je me sens tellement plus forte. »
« Je traversais une très mauvaise passe. Ici, j’ai reçu beaucoup d’aide et de soutien », explique Yusra. « J’étais au plus bas à mon arrivée. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être portée, je renais. J’étais au plus bas mais, maintenant, je me sens tellement plus forte. »
Yusra compte parmi plus de 200 réfugiés et demandeurs d’asile qui, cette année, ont bénéficié d’un soutien en matière de santé mentale et d’une aide psychosociale de la part du partenaire du HCR, CESVI. L’assistance comprend des séances individuelles ainsi que des sessions de groupe.
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Après des années de conflit et d’instabilité, la demande en matière de services de santé mentale en Libye est élevée, mais il y a une pénurie de services publics spécialisés pour répondre aux besoins de la population. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), jusqu’à un cinquième de la population totale pourrait souffrir d’un problème de santé mentale.
Les réfugiés et les demandeurs d’asile en Libye sont particulièrement vulnérables, car beaucoup ont été victimes de la traite des êtres humains, ont subi des violences physiques ou sexuelles et ont passé de longues périodes en détention, où les conditions sont désastreuses et les incidents de violence sont régulièrement signalés.
Le mari de Yusra bénéficie actuellement d’un soutien psychologique à titre individuel pour l’aider à se remettre de son épreuve, son état étant jugé encore très grave pour qu’il puisse participer à des séances de groupe. Yusra elle-même, qui a été diagnostiquée comme souffrant de stress post-traumatique, a déclaré qu’elle avait trouvé les séances de groupe particulièrement utiles.
« Ces séances m’aident à libérer l’énergie négative et tout ce que je ressens », dit-elle. « Grâce au médecin ici, et aux interactions avec les autres, nous nous exprimons sur notre vécu et je me sens plus optimiste. Je trouve que c’est très bénéfice d’entendre l’expérience des autres. »
« Ce que j’ai appris chez le médecin, c’est qu’il faut tourner la page sur le passé », ajoute Yusra. « Bien sûr, nous ne l’oublierons pas, mais nous ne devons pas nous y attarder. Le passé doit servir de leçon, car nous pourrions être confrontés à d’autres difficultés dans notre vie, [mais] nous devons plutôt nous tourner vers l’avenir et ce qu’il apportera. »
Yusra a déclaré que le soutien psychologique avait également amélioré ses relations à la maison. « Cela m’a aidée avec mes enfants. Avant, je pleurais ou je me mettais en colère contre eux mais, maintenant, ces crises ont cessé. Je suis devenue une personne différente », dit-elle.
Selon Hamida*, une psychologue clinicienne travaillant avec CESVI, la santé mentale et les conseils psychosociaux peuvent s’avérer extrêmement utiles pour les réfugiés et les demandeurs d’asile en Libye, qui ont dû faire face à de nombreux défis, tant pour se rendre dans le pays que pour y vivre.
« Même s’ils n’ont pas personnellement subi des violences, ils en ont été témoin. »
« Il est certain que la plupart des réfugiés ont besoin de notre aide », indique Hamida. « Ils ont eux-mêmes vécu des situations très difficiles. Même s’ils n’ont pas personnellement subi la violence, ils en ont été témoin. »
Elle est particulièrement satisfaite des progrès réalisés lors des sessions de groupe, qu’elle organise avec soin en réunissant des personnes de nationalités et d’âges similaires qui vivent le même type de situations au cours de leur vie quotidienne.
En raison de la pandémie de Covid-19, Hamida a dû diviser ses anciennes sessions en deux groupes pour assurer la distanciation physique. Les participants doivent porter des masques et se faire contrôler leur température lorsqu’ils entrent dans le centre communautaire. Un désinfectant pour les mains est également fourni.
« Quelle que soit leur souffrance, légère ou profonde, il est plus facile de gérer la douleur ou la tristesse si elle est partagée dans un groupe. Cela les aide à évacuer le stress et les autres problèmes qu’ils rencontrent », explique-t-elle.
« Nous essayons de leur transmettre les compétences nécessaires pour prévenir les rechutes, car beaucoup sont dans des situations très précaires et cela se reflète dans leur façon d’être. Par exemple, beaucoup pensent à traverser la mer [vers l’Europe] car ils se disent : « De toute façon, je suis déjà mort ». Cette manière de penser reflète un problème grave. Et si nous pouvons agir pour les aider, c’est très, très important. »
- Voir aussi : Santé mentale : une assistance apportée aux réfugiés traumatisés par l’explosion à Beyrouth
Shadia*, une réfugiée soudanaise de 38 ans qui souffre d’épilepsie et de dépression sévère, reçoit également de l’aide dans le cadre du programme. Elle a eu des difficultés dans sa vie de couple et était très renfermée, ayant même tenté de se suicider à plusieurs reprises.
« J’ai tellement changé depuis que j’ai commencé les séances », dit-elle. « Avant, j’étais malade, stressée et tendue. Je pensais souvent à mettre fin à mes jours et j’ai eu de nombreuses crises. Maintenant, je n’ai plus de crises et je ne prends plus de médicaments. En ce qui concerne mon état mental, je me sens très bien dans ma peau. J’entrevois l’avenir avec confiance. »
Shadia est désormais une femme énergique qui a confiance en elle. Elle a récemment commencé à travailler, et elle est convaincue que sa transformation et sa nouvelle autonomie sont dues aux séances.
« Mon caractère a changé ; je suis devenue plus forte et, maintenant, je m’implique dans la communauté. »
« Mon caractère a changé ; je suis devenue plus forte et, maintenant, je m’implique dans la communauté », dit-elle.
Les témoignages positifs des patients, déclare Hamida, en ont également encouragé d’autres à demander le soutien de spécialistes de la santé mentale.
« Je ne ressens peut-être pas leur douleur, mais je la comprends. Ils se sentent aidés et pris en charge et cela change vraiment leur façon de penser ; ils ont moins de stress, ce qui les aide à aller mieux », dit-elle en conclusion.
*Les noms ont été changés pour des raisons de protection.
Publié par le HCR, le 30 décembre 2020.