Par Edward Ogolla et Christina John à Nduta, Tanzanie
Venancia Nibitanga sort de derrière sa maison avec un assortiment de légumes verts. Elle les lave soigneusement à l’eau propre et les coupe en petits morceaux pour les faire cuire.
Sa fille de trois ans l’observe attentivement.
« Elle est toujours à mes côtés. Je pense qu’un jour elle sera une grande cuisinière, tout comme sa mère », plaisante-t-elle.
Venancia, 35 ans, participe comme 1300 familles à un projet de maraîchage dans les camps de réfugiés de Tanzanie, qui vise à diversifier le régime alimentaire et à améliorer l’alimentation des bénéficiaires.
Le projet, géré conjointement par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et le Conseil danois pour les réfugiés, aide les familles comme celle de Venancia à créer des potagers « en trou de serrure » (nommés ainsi en raison de leur forme) et leur fournit des semences, des outils et une formation sur les techniques agricoles.
« Ils peuvent produire de la nourriture toute l’année. »
Les potagers « en trou de serrure » sont de petits parterres circulaires surélevés, réalisés à l’aide de matériaux peu coûteux, disponibles localement. Ils ont une entaille en forme de trou de serrure sur un côté pour permettre aux cultivateurs d’ajouter des restes de légumes non cuits, des eaux grises et du fumier dans un panier de compostage qui se trouve au centre du parterre. Par rapport aux potagers ordinaires, ils nécessitent moins de main-d’œuvre – ce qui est idéal pour les enfants, les personnes âgées ou les personnes malades -, moins d’eau et pas d’engrais ou de pesticides coûteux.
« Ils peuvent également produire de la nourriture toute l’année, même par des températures extrêmes, et permettent la production d’au moins cinq variétés de légumes à la fois », explique Oyella Agnes, du Conseil danois pour les réfugiés en Tanzanie. « C’est un atout majeur pour favoriser la diversité alimentaire. Ce mode de production est en outre si prolifique que son rendement est plus que suffisant pour nourrir une famille de huit personnes. »
Venancia, une mère célibataire de sept enfants, a fui la crise politique au Burundi il y a quatre ans, et a abouti en Tanzanie après un périple difficile de trois jours. Avant la mise en place du projet, sa famille dépendait entièrement d’une ration alimentaire mensuelle distribuée dans les camps – qui accueillent environ 240 000 réfugiés -, et qu’elle trouvait à peine suffisante.
« Les enfants n’avaient qu’un seul repas par jour, sans légumes », explique Venancia, qui a souvent craint que la ration ne s’épuise avant la fin du mois. « Maintenant, ils ont davantage de nourriture et elle est plus nutritive aussi. »
Selon les estimations provisoires du Programme alimentaire mondial des Nations unies, 41,5 millions de personnes sont actuellement confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë en raison de la pandémie de Covid-19 dans l’Est et la Corne de l’Afrique. Dans toute la région, les réfugiés subissent une réduction des rations alimentaires, pouvant aller jusqu’à 30%.
« L’alimentation est un droit humain fondamental. »
En Tanzanie, la quantité de nourriture distribuée aux réfugiés a progressivement diminué au cours des derniers mois pour ne plus représenter que 72% du total des besoins mensuels. Cette réduction est en partie due à une augmentation des coûts de distribution liée à la nécessité de limiter le risque de transmission du Covid-19.
Le Programme alimentaire mondial a besoin de 21 millions de dollars pour que les réfugiés en Tanzanie puissent recevoir leurs rations mensuelles complètes jusqu’en mars 2021.
« L’alimentation est un droit humain fondamental. Des programmes comme celui du potager ‘en trou de serrure’ offrent aux réfugiés et aux autres populations déracinées la possibilité de cultiver leur propre nourriture et contribuent à la restauration de leur dignité : nourriture, autosuffisance et nutrition », a déclaré Antonio Canhandula, le représentant du HCR en Tanzanie.
Alors qu’elle récolte les bienfaits du projet, Venancia souhaite que d’autres en profitent également.
« Avant, je partageais mes excédents de légumes avec les voisins qui en manquaient », affirme-t-elle. « Maintenant, je leur apprends à créer leurs propres potagers ‘en trou de serrure’ et à produire leur propre nourriture. C’est facile, tout le monde peut le faire. »
Publié par le HCR, le 16 octobre 2020.