Par Hind Sharif et Frederik Bordon à Bruxelles, Belgique
Bassel est arrivé en Belgique sans sa chienne Stella mais, grâce à la gentillesse de quelques anonymes, ils sont enfin réunis.
En vous promenant à Saint-Gilles, un quartier dynamique au sud de Bruxelles, réputé pour son architecture Art nouveau et son atmosphère détendue et artistique, vous ne manquerez pas d’endroits pour prendre un café. Mais, parmi tous ces établissements, un seul porte le nom d’un chien.
Stella, un sympathique berger blanc qui accueille les clients à la porte et dont l’image a inspiré le logo de la boutique, appartient au musicien syrien Bassel Abou Fakher. Il y a 7 ans, Bassel a fui le conflit en Syrie pour rejoindre la Belgique. Depuis, il mène une vie prospère. Il a réalisé quatre albums de musique solo et a récemment ouvert le café Stella avec ses amis.
Ce café est apprécié non seulement pour son service convivial et son excellent café, mais aussi pour son attraction phare. « Venez pour Stella, restez pour un café », peut-on lire parmi les commentaires en ligne des nombreux fans de l’établissement.
« Stella est mon chien, mais aussi ma meilleure amie », déclare Bassel à propos de sa compagne à quatre pattes, qui est aussi l’héroïne d’un livre pour enfants.
Aujourd’hui âgé de 25 ans, Bassel a réussi à se construire une nouvelle vie en tant qu’entrepreneur, copropriétaire de café et musicien. Mais lorsqu’il est arrivé, un élément important de sa vie lui manquait : son fidèle animal de compagnie Stella.
Stella était entrée dans la vie de Bassel alors qu’elle n’était qu’un jeune chiot blanc et que le jeune homme, qui vivait alors à Damas, n’était âgé que de 12 ans. La jeune chienne n’avait que 40 jours, et tous deux se réconfortaient mutuellement en s’endormant le soir.
A peine un an plus tard, le conflit éclate et Stella tremble au son des bombes. Lorsque ses parents étaient terrifiés à l’idée de sortir, même pour acheter de la nourriture, Bassel l’emmenait quand même en promenade.
Vidéo, Bassel et Stella : un musicien et le voyage de son chien vers la sécurité en Belgique
En 2015, Bassel a fui son foyer et la violence à Damas en quête de sécurité en Belgique. Sa mère et sa sœur ont également fui et ont ensuite trouvé refuge en Irlande et en Allemagne, mais son père est resté sur place pour s’occuper de la grand-mère de Bassel.
A contrecœur, Bassel a également dû laisser Stella en Syrie. Il a été contraint d’entreprendre un voyage périlleux à travers le Liban et la Turquie, suivi d’une traversée en mer vers la Grèce à bord d‘un canot pneumatique, ce qui l’a empêché d’emmener sa chienne.
Fuir la guerre, dit Bassel, c’est « perdre son identité et ne plus savoir qui l’on est ». Il décrit son périple – impliquant des passeurs, de longues marches en terre inconnue et plusieurs trajets en train – dans des termes laconiques : « tout était difficile ».
Quelques mois après son arrivée à Bruxelles, il est recueilli par une famille belge au grand cœur qui, pendant les 18 mois où il a vécu avec eux, l’a aidé à se sentir chez lui et à s’intégrer à la vie belge.
« Ce qui m’a donné un sentiment de sécurité, c’est le fait d’avoir pu créer ce cercle de confiance entre les gens, un cercle d’amis et de personnes qui m’ont soutenu, et que j’ai soutenu en retour », explique Bassel.
Ses hôtes, Joannes Vandermeulen et Ann Hoste, ont pu constater à quel point Stella manquait à Bassel, alors ils ont élaboré un plan pour faire sortir le chien de Syrie. Avec l’aide d’un audacieux chauffeur de taxi, Stella a pu quitter Damas pour Beyrouth, où Joannes l’a retrouvée, s’est assurée qu’elle avait tous les papiers nécessaires et l’a installée dans une caisse pour son vol vers Bruxelles dans la soute d’un avion commercial.
« Il était extrêmement difficile d’imaginer ce qu’il fallait faire pour amener un chien depuis Beyrouth à Bruxelles en passant par Istanbul. C’était vraiment compliqué », explique Joannes. « [Stella] a failli mourir en chemin [quand elle s’est] coincée avec son collier dans la cage. A la fin, j’étais tellement fatiguée et émue à la fois. »
Malgré les difficultés, Joannes était déterminée à mener à bien la mission qu’elle s’était fixée.
« Aider les gens, c’est une bonne motivation et c’est ce qui caractérise notamment l’espèce humaine. L’entraide apporte de la joie. »
Après ce traumatisme, Stella a eu besoin de temps pour trouver ses repères dans sa nouvelle vie. Bassel a senti de son côté que sa vie pouvait désormais reprendre son cours. Leur histoire a été reprise par un auteur de renom, Deborah Blumenthal, dont le livre pour enfants « Saving Stella : A Dog’s Dramatic Escape from War » comporte de charmantes illustrations de la graphiste syrienne Nadine Kaadan, qui vit désormais à Londres. Le livre a été salué par le magazine respecté Kirkus Reviews comme « une histoire de réfugiés inhabituelle qui peut ouvrir des portes à l’empathie ».
Entouré d’artistes, Bassel, qui jouait du violoncelle en Syrie depuis l’âge de sept ans, a redécouvert son amour de la musique. Enregistrant sous le nom de Linear Minds, il a travaillé sur cinq collaborations avec des compositeurs en tant que concepteur sonore et a enregistré quatre albums solo. Il décrit ses morceaux comme une fusion de musique électronique et de dance music, avec une mélodie plutôt sombre et des sons de basse entraînants.
« Les gens disent toujours que je suis super motivé, que je travaille tout le temps », dit-il en riant. « Je ne m’arrête jamais. En français, on m’appelle ‘la machine’. Quand on est passionné par quelque chose, on se réveille heureux de le faire. »
Avec deux amis, il a ouvert un café – « un endroit où nous rencontrons constamment de nouvelles personnes, où nous leur parlons, où nous apprenons à connaître un peu leur vie. »
Il voulait entraîner les locaux et les nouveaux arrivants dans l’étreinte chaleureuse que la Belgique lui avait offerte. « Nous avons créé cette ambiance de quartier, où les gens viennent pour nous voir. Ils viennent nous parler. Nous aimons interagir, apprendre à les connaître. C’est une communauté. »
Une communauté dirigée par un grand berger blanc à poils longs appelé Stella.
Reportage et informations complémentaires par Nina Daelemans et Maeve Patterson.
Publie par le HCR, le 22 août 2022.