Guillaume Junior Atangana (centre) with his guide runners Donard Nyamjua (left) and Israel Malachi-Harrison (right) at a training camp in Reims, France. © Getty Images/Aurelien Meunier

Guillaume Junior Atangana, athlète malvoyant, portera le drapeau de l’équipe paralympique des réfugiés. Il nourrit de grands espoirs pour ces Jeux paralympiques de Paris 2024

Par Kristy Siegfried à Cleckheaton, Royaume-Uni


Une semaine avant le début des Jeux paralympiques de Paris 2024, Guillaume Junior Atangana et son guide et Donard Nyamjua, lui aussi réfugié, ont reçu un appel surprise du président du Comité international paralympique, Andrew Parsons. Junior, comme beaucoup l’appellent, a été touché et heureux lorsque le président l’a informé du fait qu’il porterait le drapeau de l’équipe paralympique des réfugiés lors de la cérémonie d’ouverture, en compagnie de Donard.


« Je suis très ému et très heureux que le Président m’ait annoncé cela. Cela me donne des frissons et je suis vraiment heureux. Je m’imagine déjà la scène dans ma tête. Je me vois comme un grand champion qui a réalisé son rêve ».

Pour comprendre l’importance de ce moment pour Junior, il faut se pencher sur son incroyable parcours en tant que réfugié et sur ce qu’il a accompli sur la piste d’athlétisme.

Un mois avant les Jeux paralympiques de Paris 2024, sur une piste de Cleckheaton, petite ville du West Yorkshire située dans le nord de l’Angleterre, des personnes de tous âges font fi d’une averse estivale et s’entraînent en vue de la compétition d’athlétisme de ce soir-là.

Certains s’entraînent à s’élancer depuis les starting-blocks tandis que d’autres font du jogging sur la piste. Deux hommes se distinguent du lot en effectuant simultanément une série de courses, de sauts et d’exercices en tous genres, reliés par une courte corde qu’ils tiennent chacun à leur extrémité.

L’un des hommes est Junior, sprinteur malvoyant âgé de 25 ans. L’autre est son guide, Donard, 32 ans. Aux Jeux de Paris 2024, ils participeront aux épreuves du 400 m T11 au sein de l’équipe paralympique des réfugiés(Les athlètes de la catégorie T11 sont gravement malvoyants et concourent les yeux bandés avec un coureur-guide).

Junior s’alignera plus tard sur le 100m avec son guide Israel Malachi-Harrison.

Avec sept autres athlètes paralympiques concourant dans six disciplines, ils font partie de la plus grande équipe paralympique de réfugiés jamais constituée. Ils espèrent s’inscrire dans la continuité du succès historique de l’équipe olympique des réfugiés à Paris pour incarner les espoirs et les rêves de 120 millions de personnes déplacées de force à travers le monde, dont environ 18 millions de personnes en situation de handicap.

Guillaume Junior Atangana (à droite) portera le drapeau de l’équipe paralympique des réfugiés lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Paris 2024, accompagné de son guide de course, Donard Nyamjua (à gauche). © HCR/Kristy Siegfried

Viser haut

Pour leur dernière course avant les Jeux, ils se sont rendus à Cleckheaton pour se mesurer à des athlètes valides sur 200m. Ils sont encouragés depuis le bord de la piste par d’autres membres du club d’athlétisme pour personnes en situation de handicap de Bradford, Keighley et Skipton (BKS) où ils s’entraînent, ainsi que par leur entraîneur, Janet-Alison Arkwright, qui travaille avec eux depuis qu’ils sont arrivés au Royaume-Uni en tant que demandeurs d’asile, en octobre 2022.

À l’époque, Junior ne parlait pas anglais et Donard souffrait d’une blessure au quadriceps qui l’empêchait de marcher, sans parler de courir. Depuis, dit-elle, ils ont fait « d’énormes progrès ».

« Ils croient en eux maintenant, c’est la plus grande différence », explique-t-elle. « Ils sont plus forts, ils sont plus heureux et ils croient vraiment qu’ils peuvent y arriver. »

Par « y arriver », elle entend non seulement gagner une médaille à Paris, mais aussi battre le record du monde de l’épreuve du 400 m T11.

À les voir sortir des starting-blocks et dépasser tous les autres athlètes pour remporter la course dans leur meilleur temps personnel, un tel exploit ne semble pas impossible. Les deux athlètes ont déjà frôlé le podium en terminant quatrièmes de l’épreuve du 400 m T11 aux Jeux paralympiques de Tokyo 2020, alors qu’ils représentaient leur pays.

« Je veux gagner une médaille d’or à Paris », a déclaré Junior après la course à Cleckheaton. « Ici, au Royaume-Uni, j’ai tout ce qu’il faut pour bien pratiquer mon sport et je me sens prêt. »

L’amour du sport

Lorsqu’il était enfant en Afrique de l’Ouest, Junior n’avait qu’une seule ambition : devenir le meilleur footballeur au monde. Mais à l’âge de 8 ans, sa vue a commencé à se détériorer et à l’âge de 12 ans, il était devenu complètement aveugle.

« Je n’ai pas quitté ma chambre pendant plusieurs mois. Je pensais que le sport, c’était fini », se souvient-il. « Mais je me suis fait un ami qui m’a aidé et j’ai commencé à courir. »

La course à pied l’a aidé à reprendre confiance en lui et à retrouver son amour du sport. « Lorsque je venais de perdre la vue, ce n’était pas facile pour moi. L’idée de marcher me faisait peur. Mais quand je courais, je n’avais plus peur. »

Junior a commencé à travailler avec un entraîneur qui est également devenu son guide de course et, ensemble, ils ont remporté plusieurs médailles lors de compétitions internationales. Finalement, il est devenu trop rapide pour son entraîneur et s’est mis à la recherche d’un nouveau guide. Il a trouvé son bonheur en la personne de Donard Ndim Nyamjua, un champion national du 800m qui vivait à proximité et qui était prêt à essayer d’être un guide de course.

Guillaume Junior Atangana lors d’un camp d’entraînement à Reims, en France, avant les Jeux paralympiques de Paris 2024. © HCR/Elif Gulec

« Comme des frères »

Selon Janet-Alison Arkwright, être coureur guide requiert certaines qualités. « Ils doivent être aussi motivés que les coureurs, mais ils doivent aussi se rappeler qu’ils ne sont pas au centre du jeu », explique-t-elle. « Toute leur attention doit être tournée vers l’athlète. »

Pour Donard, de sept ans l’aîné de Junior, c’est aussi une question de forme physique. « Pour guider quelqu’un comme Junior, il faut être à la hauteur », dit-il en riant. « Quand je finis de m’entraîner avec lui, je demande à l’entraîneur de me donner des exercices en plus parce que je dois pouvoir tenir la cadence ».

Courir de manière parfaitement synchronisée exige un entraînement constant et un lien solide. La blessure de Donard a été l’un des plus grands défis auxquels le duo a dû faire face. « Ce n’était pas facile de s’entraîner », explique Junior. « Nous avons dû adapter de nombreux exercices. »

Donard a notamment dû utiliser sa voix pour guider Junior vers lui et l’aider à utiliser un tapis de course.

Depuis qu’il s’est installé au Royaume-Uni et qu’il a été mis en contact avec un accompagnateur pour les personnes souffrant de déficiences visuelles, Junior a également appris à marcher avec une canne blanche et à effectuer d’autres tâches par lui-même, comme prendre le train, le bus ou se préparer une boisson chaude. Il étudie l’anglais et le braille dans un collège local, tandis que Donard étudie l’informatique et l’anglais. Les deux hommes peuvent désormais mener une vie plus indépendante, même s’ils partagent toujours une chambre dans la maison familiale de Val Lightowler, l’entraîneuse adjointe de BKS. Elle les a accueillis en décembre dernier, car il leur était difficile de se rendre à l’entraînement depuis leur centre d’hébergement pour demandeurs d’asile.

« Nous sommes comme des frères parce que nous vivons ensemble depuis près de trois ans maintenant », explique Donard. « Parfois, nous avons nos divergences – nous nous crions dessus, nous pleurons ensemble ».

Le sport et leur détermination à participer à d’autres Jeux paralympiques les ont aidés à surmonter les moments les plus difficiles. « Lorsque je suis arrivé ici, je ne connaissais personne, et les conditions météorologiques n’étaient pas faciles non plus. Mais chaque fois que je vais m’entraîner, je me sens bien. Je passe la journée avec mon sport », explique Junior.

À Paris, il veut faire passer le message aux autres réfugiés et aux personnes en situation de handicap que « tout est possible ».

« Il faut être patient et croire en son Dieu et en soi-même. Je veux montrer au monde que le fait d’être malvoyant ne signifie pas que la vie est finie. On peut toujours faire de grandes choses. »

Publie par le HCR, le 26 août 2024.

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