Tout juste arrivé dans l’arrondissement montréalais d’Anjou, Adedeji Sunday Akintayo, surnommé « Ade », a fait un long périple à travers le froid de la ville pour atteindre un lieu qu’il ne connaissait pas. Mais en ce jour d’octobre 2017, il a trouvé dans l’Église unie de Beaconsfield une communauté qui allait changer sa vie
Par Megan Brown à Montréal, Canada
Le trajet n’a pas été sans embuches. D’abord, une marche rapide dans l’air glacial du mois d’octobre, puis un trajet en métro bondé, un autre en autobus, et enfin une dernière marche jusqu’à l’Église unie Beaconsfield, à l’extrémité ouest de Montréal. C’était à 35 kilomètres de chez lui, mais M. Akintayo dit qu’il a fait le voyage d’abord par hasard, puis avec détermination.
« Quand je suis entré dans l’Église unie Beaconsfield, j’ai vu deux gros sacs de riz. Les gens sur place m’ont dit : “C’est pour toi” », se souvient M. Akintayo. « C’était la première fois que je me sentais vraiment le bienvenu quelque part. »
Réfugié nigérian, M. Akintayo a été ému par cet acte de bienveillance. Il est retourné à l’église de nombreuses fois et s’est rapidement retrouvé impliqué dans la communauté. Qu’il s’agisse de chanter dans la chorale, d’accueillir les nouveaux arrivants au sein de l’équipe d’accueil, avant de rejoindre le conseil régional de l’église. Cela dit, M. Akintayo voulait en faire plus pour aider les réfugiés à connaître le même sentiment d’appartenance qu’il a ressenti dans ce lieu :
« Ce lieu de culte m’a trouvé, m’a modelé, et a fait de moi une meilleure personne », dit-il. « Aujourd’hui, je ne suis pas seulement un réfugié, je suis aussi un défenseur des droits des réfugiés. »
Bâtir une communauté pour tous
Avec le soutien du pasteur de l’époque, le révérend Shaun Fryday, M. Akintayo a proposé la mise en place du programme d’intégration et de soutien aux réfugiés (Refugee Integration and Support Program), lancé en 2018. Il voulait mettre en place plus qu’un simple centre de ressources.
« J’ai dit : “Faisons quelque chose de différent, quelque chose qui permet aux réfugiés de retrouver un petit bout de chez eux ici au Canada” », explique-t-il.
Le programme est parti d’une simple idée et est depuis devenu un système de soutien essentiel pour des centaines de réfugiés et de demandeurs d’asile. Il permet de fournir des produits essentiels comme des vêtements et des articles ménagers et organise des événements communautaires comme des pique-niques et des webinaires sur les droits reconnus par la loi. Grâce à des initiatives comme le Women’s Collective, le Solid Rock Men et le Interfaith Ministry, les réfugiés font partie d’une communauté dans laquelle ils se sentent comme chez eux.
« Nous fournissons des ressources, dit M. Akintayo, mais au-delà de ça, nous offrons aux gens une communauté ».
Inspirer espoir et résilience
Le programme d’intégration et de soutien aux réfugiés a permis de soutenir plus de 500 personnes provenant de pays du monde entier, dont l’Iran, le Kenya, le Cameroun et le Ghana. Pourtant, M. Akintayo a dû surmonter différents défis en cours de route, de la pandémie de COVID-19 à l’apprentissage du français au Québec.
« La langue n’a jamais été un frein pour moi, dit-il. Je suis habitué à devoir m’adapter. »
Cette résilience l’a aidé à encourager d’autres réfugiés, les exhortant à rester forts face aux difficultés rencontrées.
« Si je peux survivre dans ces lieux, je sais que je peux m’épanouir au Québec », ajoute-t-il.
La révérende Linda Buchanan, qui dirige maintenant l’Église unie Beaconsfield, a appuyé la vision de M. Akintayo à chaque étape du processus.
« Nous faisons preuve d’hospitalité grâce à nos équipes d’accueil, dit-elle. Les réfugiés sont impatients de se joindre à ces équipes, et cela nous permet de créer des liens ».
« Nous avons la liberté d’être interculturels, d’unir nos différences en matière d’espoir et de pratiques, ajoute la révérende. Dans cette communauté, les personnes se sentent aimées simplement pour qui elles sont et non en dépit de cela. »
Une vision pour l’avenir
Le succès du programme de Beaconsfield a incité M. Akintayo à en élargir sa portée. Avec l’appui de la révérende Cynthia Reynolds de l’Église unie Riverside, il compte mettre sur pied des programmes similaires à l’extérieur de la ville de Montréal.
« L’Église unie Beaconsfield est comme le grand-père de ce programme, dit M. Akintayo. Aujourd’hui, nous créons un modèle de lieu sûr que d’autres églises peuvent adopter pour que les réfugiés se sentent les bienvenus. »
Lorsqu’on lui demande comment d’autres communautés peuvent favoriser l’inclusion et la diversité, la révérende Buchanan répond avec un message simple mais profond :
« N’ayez pas peur. Préférez l’amour à la peur, choisissez la curiosité plutôt que la peur. La diversité est belle, et le récit de la création nous le répète. »