Une veuve, mère de quatre enfants, lutte pour la survie de sa famille dans un camp. Elle compte parmi les 270 000 Afghans nouvellement déplacés depuis début 2021 par la récente escalade des combats.
Par Edris Lutfi à Mazar-e-Sharif, Afghanistan
Deux semaines après avoir fui sa maison pour échapper aux affrontements entre le gouvernement et les forces d’opposition, Maryam*, 24 ans, se blottit à l’ombre d’un abri de fortune – un répit nécessaire face à la chaleur extérieure de 45 degrés – dans le camp de Nawabad Farabi-ha, à la périphérie de la ville de Mazar-e Sharif, au nord de l’Afghanistan.
Elle est arrivée dans ce camp après avoir quitté le district de Sholgara, à environ 55 kilomètres au sud, avec ses quatre enfants, ses parents et son frère, lorsque les insurgés ont pris d’assaut la région et ont entamé des combats acharnés avec les forces gouvernementales. Maryam dit avoir entendu des coups de feu tout autour de leur maison, alors que les deux camps se disputaient le contrôle de la zone.
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« Nous n’avons même pas eu le temps de rassembler des affaires. Nous avons fui avec une couverture seulement », dit-elle, assise dans une tente faite de tissu attaché à des bâtons servant de support. Bien que des tentes en plastique soient disponibles, la chaleur étouffante les rend inutilisables, de sorte que les résidents du camp se contentent des matériaux les plus élémentaires pour se protéger du soleil brûlant et des fréquentes tempêtes de poussière.
Maryam et sa famille comptent parmi les 270 000 Afghans environ qui ont été nouvellement déplacés à l’intérieur de leur propre pays depuis début 2021 en raison d’un regain de violence. Alors que le conflit s’intensifie au nord de l’Afghanistan et dans d’autres régions du pays, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a lancé une mise en garde cette semaine contre une crise humanitaire imminente, affirmant que l’impossibilité de parvenir à un accord de paix entraînera de nouveaux déplacements forcés.
Dans un contexte de hausse générale du nombre de victimes civiles, la proportion de femmes et d’enfants touchés par la violence a fortement augmenté depuis le mois de janvier, aggravant davantage encore pour des personnes comme Maryam et sa famille les conséquences de ce conflit vieux de plusieurs décennies..
Maryam et sa mère, Halimah, sont toutes les deux des veuves de guerre et doivent aussi s’occuper du frère de Maryam, blessé, et de son grand-père, qui souffre d’une maladie chronique.
Les problèmes de Maryam ont commencé il y a dix ans, lorsque la jeune fille, alors âgée de 13 ans, a été mariée à un homme qu’elle n’avait jamais rencontré. Dans un premier temps, on a fait croire à l’adolescente que son mari résidait également dans la province de Balkh au nord de l’Afghanistan mais, après son mariage, elle a été emmenée dans la province méridionale du Helmand pour vivre avec sa belle-famille.
Maryam avait une vision très différente pour son avenir, espérant obtenir une éducation et un jour commencer à travailler. Mais dans la province de Helmand – une autre région en proie à des décennies de combats entre le gouvernement et les forces insurgées – elle a élevé quatre enfants jusqu’à ce que son mari soit tué dans des tirs croisés lors de l’un des innombrables affrontements.
Après la mort de son mari, Maryam a déménagé avec ses deux garçons et ses deux filles à Kaboul, avant de retrouver sa famille à Sholgara au début de cette année.
« Au début, tout allait bien. Il y avait un calme relatif », dit-elle. Mais après les récentes violences, Maryam et ses proches se retrouvent désormais à vivre dans le camp de Nawabad Farabi-ha avec 100 autres familles.
« Certains soirs, nous n’avons rien à manger. »
La ville de Mazar-e-Charif est peut-être un centre commerçant animé mais, pour les déplacés internes qui vivent dans ce camp, les opportunités économiques sont rares. Les deux hommes de la famille étant blessés ou malades, le fils aîné de Maryam est contraint d’errer dans la ville pour ramasser des déchets recyclables et tenter de gagner de quoi nourrir la famille.
« Certains soirs, nous n’avons rien à manger », explique Maryam.
Obligés de déménager déjà quatre fois en quelques années, ses enfants ne peuvent pas aller à l’école et sont habillés de vêtements usés et sales.
« Mes enfants n’ont plus porté de vêtements neufs depuis que nous avons quitté la province du Helmand », a-t-elle dit. « Quelle vie vraiment effrayante… Regardez les effets de l’exposition au soleil sur le visage de mon enfant », a-t-elle ajouté en montrant la peau rougie et boursouflée de son plus jeune fils Zarif.
- Voir aussi : Déracinés dans leur propre pays
Le propre visage de Maryam révèle les dommages que les déplacements forcés successifs et les conflits répétés ont infligés à sa santé. Ses joues creuses témoignent de la malnutrition qui sévit dans de vastes régions en Afghanistan.
Selon les estimations de la Banque mondiale, au moins 45 pour cent de la population afghane souffre de malnutrition, qui est causée principalement par la pauvreté. Une sécheresse nationale probablement liée au changement climatique et touchant jusqu’à 80 pour cent du pays ajoute une pression supplémentaire sur une population qui dépend largement de l’agriculture non irriguée et du pâturage du bétail, faisant craindre de nouveaux déplacements de grande ampleur.
Le HCR et ses partenaires aident les Afghans nouvellement déplacés en leur fournissant des abris d’urgence, de la nourriture, des soins de santé, de l’eau et des services d’assainissement, ainsi que des allocations d’aide en espèces mais, en raison d’une pénurie de fonds, les ressources humanitaires demeurent nettement insuffisantes.
Dans le camp, les familles ont du mal à trouver de l’eau potable. Beaucoup disent que leurs enfants sont tombés malades après avoir bu l’eau saumâtre d’un puits voisin, et que la seule façon de la rendre potable est de la faire bouillir pendant au moins 20 minutes.
Mais il est difficile de trouver du bois dans la zone désertique où se trouve le camp. Sans aucun revenu, les résidents ne peuvent pas se permettre d’aller en ville acheter du bois. Leurs enfants sont donc obligés d’effectuer de longues distances à pied dans la chaleur pour trouver des sources d’eau plus propre, des trajets qui ne font qu’accroître leur soif.
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Pour Maryam, l’impact du déplacement forcé sur le bien-être et l’avenir de ses enfants est ce qui est le plus difficile à supporter. « Ce que je veux, c’est juste que mes enfants aient une vie agréable, et qu’ils puissent aller à l’école et recevoir une éducation. »
*Les noms ont été modifiés à des fins de protection.
Publié par la HCR, le 15 juillet 2021.