Au Mexique, le bureau du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, applique un modèle pluriannuel de planification destiné à assurer la continuité des programmes d’aide aux réfugiés, de leur demande d’asile à leur intégration complète.
Par Sibylla Brodzinsky au Mexique
Javier* n’a plus peur lorsqu’il sent l’odeur de la peinture.
Le jeune garçon de 11 ans n’aime toujours pas cette odeur, mais elle ne fait plus resurgir les souvenirs de cette nuit au Honduras, lorsque les membres d’une bande criminelle ont ouvert le feu sur la maison qu’il partageait avec sa mère, son beau-père et sa petite sœur. Alors que la famille se recroquevillait sur le sol, une balle perdue a perforé un pot de peinture, qui a explosé. Une autre a transpercé la cuisse gauche de Javier.
Aujourd’hui, Javier vit dans le nord du Mexique, après que sa famille a été reconnue comme réfugiée. Chaque année, Javier aide sa mère Dania* à peindre la maison. Sa chambre est peinte en vert forêt et les murs sont ornés de cercles rouges et verts. Le salon, la cuisine et la salle à manger combinés sont de couleur terre cuite. La chambre de ses parents est peinte en jaune.
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« Je le pousse à peindre pour l’aider à surmonter ce traumatisme », confie Dania. « Je lui dis que personne ici ne nous fera de mal. Ici, nous bénéficions de beaucoup de soutien, alors tout ira bien. Nous sommes en sécurité ici », ajoute-t-elle.
« Ici, nous bénéficions de beaucoup de soutien. Nous sommes en sécurité ici. »
Quatre ans après avoir fui le Honduras, la famille bénéficie d’une vie stable, heureuse et prospère. Ils attendent maintenant avec impatience de pouvoir devenir des citoyens mexicains, prochaine étape de leur parcours en tant que réfugiés. En vertu de la loi mexicaine, les réfugiés reconnus sont dispensés du passage d’un examen de naturalisation et peuvent introduire une demande deux ans après avoir obtenu la résidence permanente.
Il faut parfois de longues années pour que les réfugiés parviennent à trouver une certaine stabilité. Pour mieux les aider, le bureau HCR au Mexique adopte une approche pluriannuelle ambitieuse en matière de planification, qui se concentre sur les solutions, telles que l’intégration effective. « Avec les situations de réfugiés prolongées, une année ne suffit pas, et seule une planification sur plusieurs années permet d’assurer la continuité des programmes », explique Diego Morales, chargé de programme pour le HCR Mexique. « Cela signifie que nous pouvons accompagner les réfugiés depuis le moment où ils demandent l’asile jusqu’au moment où ils sont pleinement intégrés dans leur communauté d’accueil. »
Le Mexique fait partie des 24 opérations nationales du HCR dans le monde qui adoptent une approche similaire de la planification à moyen et long terme. Ce modèle de planification à plus long terme sera généralisé au sein du HCR d’ici 2024.
La famille de Javier a parcouru un long chemin depuis son arrivée au Mexique, en 2017. César*, le mari de Dania, a un emploi stable dans une usine de fabrication de meubles, où il travaille de nuit à couper des pièces de bois utilisés pour la fabrication de canapés et de chaises. Dania s’occupe de la maison, veillant à ce que Javier et sa sœur de 6 ans, Nelly*, suivent leurs cours et soient à jour dans leurs devoirs, qui se déroulent toujours en ligne en raison des restrictions liées au Covid-19.
Dania supervise également les cours d’éducation physique des enfants. Elle se sert de son téléphone pour filmer Javier sur le terrain de football, conformément aux instructions de l’école. Elle déborde de fierté devant l’habileté avec laquelle Javier dribble le ballon, son jeu de jambes ne révélant aucune trace de sa blessure d’il y a quatre ans.
Lorsque la famille est arrivée au Mexique, Javier, alors âgé de 7 ans, était incapable de marcher. Les médecins du Honduras avaient extrait la balle de sa jambe la nuit de la fusillade, mais la famille n’a pas eu le temps de lui faire suivre d’autres traitements. Les membres du gang qui avaient blessé Javier attendaient devant les portes de l’hôpital pour « nous achever », se souvient Dania.
« Ici, j’entrevois un bel avenir pour mes enfants. »
César et Dania ont emmené le petit garçon couvert de bandages et Nelly, alors âgée de deux ans, au Guatemala, puis au Mexique, où ils se sont enfin sentis en sécurité. « Nous pouvions respirer parce que… nous savions qu’ils (les membres du gang) ne pouvaient pas nous trouver », se souvient Dania.
Les conseillers juridiques du HCR ont aidé la famille à déposer une demande d’asile et, grâce à un programme d’assistance humanitaire du HCR, la famille a pu louer une petite maison et acheter des meubles modestes pour tenir le coup en attendant le traitement de leur demande d’asile par la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés. « Je n’avais aucune idée de ce qu’était l’asile », se souvient Dania, ajoutant que si cela leur permettait de rester au Mexique, c’était tout ce dont ils avaient besoin.
Une fois reconnus comme réfugiés, Dania, César et les enfants ont été inclus dans le programme d’intégration locale du HCR, qui n’en était alors qu’à ses débuts, et qui aide à la relocalisation des réfugiés depuis le sud vers le nord du pays, où les emplois sont plus nombreux et les perspectives d’intégration plus favorables.
- Voir aussi : Un Hondurien consacre sa vie à préserver les jeunes de la violence meurtrière des gangs
Pour César, cela semblait presque trop beau pour être vrai. « Nous ne savions rien [du nord du Mexique] et nous étions un peu méfiants », explique-t-il. « Tout le long du trajet [dans le bus depuis le Chiapas], nous nous sommes demandé ce qui allait nous arriver. »
Il s’est avéré que les perspectives d’avenir de la famille étaient prometteuses. Avec le soutien du HCR, Dania et César ont trouvé une maison. César a décroché un emploi à l’usine de meubles, et la famille a pu tourner le dos au passé.
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« Ici, j’entrevois un bel avenir pour mes enfants », indique Dania.
Le prochain objectif est l’acquisition de la nationalité mexicaine. La famille a préparé les documents nécessaires à cette fin. César qui dit se sentir déjà mexicain envisage un avenir lumineux. « Quand l’équipe nationale de football joue, je soutiens le Mexique », confie-t-il. « Je vais célébrer avec fierté quand je serai naturalisé. »
*Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.
Publié par la HCR le 06 janvier 2022