Des réfugiés réinstallés au Manitoba retrouvent des membres de leur famille trois ans après avoir été séparés.
De Lidia Abraha
Des milliers de familles réfugiées sont souvent séparées lorsqu’elles fuient la violence ou un conflit. Ainsi, quand Abdo Bakr a atterri à l’Aéroport international de Winnipeg, il s’est empressé d’embrasser les pieds de sa mère – un signe de respect dans leur culture – et de serrer dans ses bras ses frères et sœurs qu’il n’avait pas vus depuis des années.
« Ça a été vraiment dur pour nous, il nous a vraiment manqué », a déclaré son frère Mohamed au téléphone depuis Portage La Prairie (Manitoba).
Déracinée par la guerre civile qui fait actuellement rage en Syrie, toute la famille a dû fuir en Turquie. Mohamed, ses parents et ses deux sœurs ont fait partie des 25 000 réfugiés syriens réinstallés au Canada en 2015. Durant la procédure, le dossier d’Abdo a été séparé du reste et il a été forcé de rester derrière.
« Ma mère pleurait tout le temps parce qu’elle n’est pas habituée, elle ne supporte pas d’être séparée de l’un d’entre nous. C’était vraiment dur pour elle. »
Savoir qu’Abdo était encore en Turquie a compliqué l’adaptation de toute la famille au Canada », dit Mohamed.
« Nous sommes arrivés au Canada sans parler la langue, sans rien. En fait, nous nous sommes sentis très seuls parce qu’il n’y a pas de communauté arabe ou kurde ici. »
Grâce à l’aide de son parrain, Abdo a pu retrouver sa famille le 16 octobre 2019. Une vidéo sur Twitter montrant les retrouvailles touchantes de la famille a fait le tour d’Internet avec 2,8 millions de vues. Dans cette vidéo, les cinq membres de la famille attendent au pied des escalators, et Mohamed tient sa mère pendant qu’Abdo les descend. Abdo se laisse immédiatement tomber au sol pour embrasser les pieds de sa mère.
Elle s’affaisse elle aussi par terre, et ils pleurent tous les deux dans une étreinte chaleureuse, tandis que le reste de la famille accueille la femme d’Ado et sa fille de trois ans qu’ils n’ont jamais rencontrées auparavant.
« Je savais que ma mère ferait cela. C’est pourquoi j’étais derrière elle pour la soutenir. Je m’attendais même à ce qu’elle monte les escaliers roulants parce que je savais qu’il lui avait énormément manqué, et elle était impatiente qu’il arrive », déclare Mohamed.
Avant que son frère n’arrive avec sa femme et ses deux enfants, Mohamed emmenait sa mère à l’hôpital toutes les semaines, car elle était en pleine dépression depuis qu’ils étaient partis sans Abdo. Elle avait même suggéré de retourner en Turquie pour qu’ils puissent à nouveau être tous ensemble.
« Nous sommes vraiment heureux maintenant, notre vie a changé, croyez-moi. Maintenant que notre famille est réunie, tout est différent », explique Mohamed.
Avec l’aide de la population locale de Portage La Prairie, Mohamed espère rassembler suffisamment d’argent pour pouvoir accueillir dans un avenir proche ses deux dernières sœurs.
« Le Canada est notre nouvelle patrie. La Syrie est en ruine, notre maison est en ruine, tout est en ruine. Ici nous apprenons, nous travaillons, nous étudions. Je ne pense pas que nous retournerons en Syrie un jour. C’est pourquoi nous espérons les amener ici également », a-t-il expliqué.