Yusra Mardini, athlète olympique et ambassadrice de bonne volonté du HCR, parle de résilience, de Tokyo 2020 et de la manière dont les Jeux olympiques rassemblent les gens
Par Yusra Mardini, tel que raconté à Hannah Scott
Yusra Mardini, une nageuse et réfugiée syrienne, a été nommée la plus jeune ambassadrice de bonne volonté du HCR en avril 2017 après avoir été sélectionnée pour participer aux Jeux olympiques de Rio 2016 au sein de la première équipe olympique de réfugiés. En partageant son histoire touchante, Yusra défend la cause des réfugiés sur la scène internationale et est devenue une porte-parole influente pour les personnes déracinées du monde entier.
Dès votre plus jeune âge, vous vouliez être nageuse olympique. Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’avoir fait partie de la toute première équipe olympique de réfugiés?
Quand la guerre a éclaté en Syrie, j’ai continué la natation en essayant de vivre normalement, mais la situation s’est aggravée et il est devenu plus difficile d’aller à la piscine. J’ai dû arrêter les entraînements pendant deux ans; je pensais que mon rêve allait prendre fin. Mais ma famille et moi avons survécu à la guerre. Nous avons recommencé nos vies à zéro. Et avec mon équipe, j’ai réalisé mon rêve olympique, ce qui signifiait tout pour moi.
En tant que réfugiée et athlète olympique, vous occupez une place unique, une place que seules 10 personnes ont connu jusqu’à ce jour. Comment avez-vous vécu cette expérience, un parcours que personne n’a suivi jusqu’à maintenant?
En fait, c’est grâce à la natation que j’ai pu m’installer en Allemagne. Cela m’a aidée à nouer des liens et à retrouver une vie « normale ». La natation m’a permis de vivre ma passion et m’a donné un but. Bien sûr, les entraînements étaient difficiles : je nageais jusqu’à quatre heures par jour, tout en apprenant l’allemand et en allant à l’école, mais tout cela en valait la peine.
Quand vous avez fui la Syrie, vous n’aviez que 17 ans. Comme des milliers d’autres réfugiés, vous avez dû faire la dangereuse traversée en mer Méditerranée. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette expérience?
Ma soeur et moi avons failli périr pendant notre traversée de la Méditerranée. Comme la plupart des bateaux qui font ce périple, le nôtre était surchargé, et le moteur s’est arrêté au beau milieu de la mer Égée. Nous n’avions que deux possibilités : paniquer et abandonner, ou agir. Ma soeur et moi avons sauté dans l’eau et nous avons poussé jusqu’à ce que nous ne puissions plus. Après avoir nagé pendant plus de trois heures et demie, nous sommes finalement arrivées en Grèce.
Nous ne sommes pas partis de chez nous pour trouver une vie plus facile ailleurs où on reçoit tout sur un plateau d’argent. Nous avons fui à cause des bombes, des balles et des persécutions. Et nous méritons d’avoir les mêmes chances pour reconstruire notre vie et prendre notre avenir en main. Si vous voulez faire en sorte que ce monde soit plus égalitaire, je vous demande d’offrir aux réfugiés la possibilité non seulement de survivre, mais aussi celle de s’épanouir.
Pendant les Jeux olympiques de Rio 2016, votre histoire a été une source d’inspiration au Canada, et de nombreux Canadiens ont suivi votre parcours olympique. Il est certain qu’ils vous suivront pendant les Jeux olympiques de Tokyo 2020. Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être une source d’inspiration non seulement pour les réfugiés, mais aussi pour tous les peuples du monde?
Je m’entraîne dur pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020, mais j’essaie aussi d’améliorer les choses pour les réfugiés. En tant qu’ambassadrice de bonne volonté du HCR, je dispose d’une plateforme pour raconter mon histoire et celle des autres. Je veux inciter les réfugiés à croire en eux-mêmes, et encourager la société dans son ensemble à croire en eux aussi. Après tout, les réfugiés sont des personnes normales qui vivent des circonstances traumatisantes et bouleversantes, et sont capables de choses extraordinaires si on leur en donne la chance.
« Les réfugiés ne sont pas des fardeaux, mais des personnes qui peuvent apporter de grandes compétences et une grande énergie à la société. »
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire aux Canadiens sur la situation des réfugiés, ou sur quelque chose qu’ils ignorent à leur sujet?
Les gens ne réalisent pas que, pour un réfugié, le moment où vous vous arrêtez de courir peut être tout aussi difficile que celui où vous avez commencé de le faire. Ce n’est qu’au moment où j’ai traversé la dernière frontière et que je me suis sentie en sécurité que j’ai réalisé que j’avais perdu bien plus que ma maison. J’avais aussi perdu ma nationalité et mon identité. De même, ceux qui m’entouraient n’arrivaient plus à trouver un sens à leur vie ni leur estime personnelle. Ils étaient autrefois médecins, ingénieurs, enseignants et étudiants. Et désormais ils n’étaient plus que des réfugiés, réduits à une étiquette. Les gens doivent dépasser cette étiquette et imaginer l’étonnante contribution que les réfugiés peuvent apporter.